Ruy Blas, Victor Hugo, III, 2 : résumé et commentaire linéaire

À lire dans cet article :

Ruy Blas est une pièce incontournable de la littérature française. Cette pièce de cinq actes, publiée en 1838, suscita des réactions très vives des contemporains de Victor Hugo, notamment au moment de sa première représentation. Ils y voyaient une critique vive du gouvernement de Louis Philippe.

Introduction

Lorsque vous introduisez votre commentaire littéraire, vous devez impérativement rappeler le contexte. Il est inutile de réciter la biographie de Victor Hugo, de parler longuement du romantisme ou encore de résumer Ruy Blas. Vous devez sélectionner les informations pertinentes pour commenter l’extrait.

Voici une liste d’informations attendues lors d’une introduction de cet extrait :

  1. Commencer par présenter la nature du texte : Il s’agit d’un extrait de la pièce en 5 actes Ruy Blas de Victor Hugo publiée en 1838. (Vous avez ces informations dans le paratexte.) C’est un drame romantique écrit en alexandrins (notion de drame romantique à connaître absolument, bien préciser la versification).
  2. Présenter plus spécifiquement la nature du texte : Il s’agit d’un monologue du personnage principal Ruy Blas, devenu Premier ministre, qui tente de faire réagir les conseillers.
  3. Poser le contexte : C’est un véritable réquisitoire contre la noblesse. Même si Ruy Blas dénonce ici la corruption des nobles du Royaume d’Espagne, ce monologue a fortement outré les contemporains de Victor Hugo – tant il semblait actuel et pertinent sous le gouvernement de Louis Philippe.

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Les personnages dans Ruy Blas 

Avant de rentrer dans le vif du sujet, un petit point personnages s’impose. 

  • Ruy Blas : un valet de pied ambitieux, qui tombe amoureux de la reine d’Espagne et décide de se venger de la noblesse espagnole qui opprime le peuple. Il se fait passer pour un noble et se retrouve au centre d’un complot politique et amoureux.

  • Don Salluste de Bazan : un noble déchu et humilié par la reine, qui cherche à se venger en utilisant Ruy Blas. Il l’emploie d’abord comme espion, puis comme envoyé spécial auprès de la reine.

  • La reine d’Espagne : une femme belle et fière, qui est à la fois l’objet de l’amour de Ruy Blas et la cible de la vengeance de Don Salluste. Elle est présentée comme une victime de l’oppression et des intrigues de la noblesse.

  • Don César de Bazan : le frère de Don Salluste, un noble débauché qui tombe amoureux de la duchesse d’Albuquerque et devient un personnage important dans le complot politique.

  • La duchesse d’Albuquerque : une noble espagnole qui se trouve mêlée à l’intrigue politique et amoureuse, en étant courtisée à la fois par Don César et par le roi.

Le résumé de Ruy Blas de Victor Hugo 

Ruy Blas raconte l’histoire d’un valet de pied ambitieux nommé Ruy Blas, qui tombe amoureux de la reine d’Espagne et décide de se venger de la noblesse espagnole qui opprime le peuple.

Don Salluste de Bazan, un noble déchu et humilié par la reine, cherche à se venger en utilisant Ruy Blas. Il l’emploie d’abord comme espion, puis comme envoyé spécial auprès de la reine. Ruy Blas, désireux de plaire à la reine, se fait passer pour un noble et attire rapidement son attention. La reine, qui se sent oppressée par la noblesse corrompue de la cour, est séduite par Ruy Blas et tombe amoureuse de lui.

Cependant, la noblesse ne tarde pas à découvrir que Ruy Blas est un imposteur, et elle décide de se venger de lui. Don Salluste se sert de cette situation pour s’emparer du pouvoir et pour comploter contre la reine. Il utilise Ruy Blas comme un pion dans son plan, mais Ruy Blas finit par se rebeller contre lui.

La pièce culmine lors d’une soirée où Ruy Blas, poussé à bout par l’humiliation qu’il a subie, prend la parole et révèle la vérité sur sa condition de valet de pied. Il dénonce la noblesse corrompue et demande justice pour le peuple. La pièce se termine de manière tragique, avec la mort de Ruy Blas et la révélation de la duplicité de Don Salluste.

La pièce est un drame romantique qui explore les thèmes de l’amour, de la vengeance et de la justice sociale. Les personnages sont souvent en proie à des passions fortes, qui les conduisent à des actions dramatiques et tragiques. La pièce est également une critique de la société espagnole du XVIIe siècle, avec une représentation sans complaisance de la noblesse corrompue et de la misère du peuple.

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Analyse linéaire de Ruy Blas

Ruy Blas, survenant.
Bon appétit, messieurs ! – 
     Tous se retournent. Silence de surprise et d’inquiétude. Ruy Blas se couvre, croise les bras, et poursuit en les regardant en face.

 

Les didascalies doivent être ici impérativement commentées. N’oubliez pas qu’à l’oral et à l’écrit les termes clés comme “didascalies” sont fortement attendus par vos examinateurs.

Ici les didascalies insistent sur la gravité du moment :

  • L’utilisation de verbes de mouvement : “survenant”, “croise les bras”
  • Utilisation de phrases nominales : “Silence de surprise et d’inquiétude”
  • Tournures hyperboliques : “Tous”
  • Champ lexical de la surprise : survenir, surprise, inquiétude

La mise en scène de la gestuelle est ici très importante :

  • Croise les bras
  • Les regarde en face

Rien qu’en lisant les didascalies, le lecteur sait que la scène qui va suivre sera une scène clé. Il y a ici un effet très théâtral – on imagine la foule de figurants se taire et se retourner vers lui.


Ô ministres intègres !
Conseillers vertueux ! Voilà votre façon
De servir, serviteurs qui pillez la maison !

La première réplique de Ruy Blas est ici coupée à l’hémistiche. “Bon appétit, messieurs !” servait de provocation, d’ouverture. Une fois qu’il est sûr d’avoir l’attention de tout le monde Ruy Blas commence son discours.

Ce monologue est fortement modalisé par l’utilisation :

  • des phrases exclamatives
  • d’interjections “ô”
  • de phrases nominales qui forment des hémistiches.

Cela crée un discours incisif qui capte l’attention de l’auditoire.

Le dernier vers de cet extrait est intéressant pour plusieurs raisons :

  • le contre-rejet permet de créer un effet d’attente qui met en valeur “de servir” qui est rejeté au vers suivant
  • Il donne sens à l’opposition entre les adjectifs mélioratifs “intègres”, “vertueux” et l’expression péjorative : “pillez la maison”. Ce décalage crée un effet d’ironie.

Cette ironie est renforcée par l’utilisation des mots appartenant au champ lexical de la servitude :”servir”, “serviteurs”.

L’utilisation de ces deux mots à la suite permet à Victor Hugo de rappeler d’une part aux ministres quelle est leur véritable place – serviteurs de la reine. D’autre part, cela lui permet également de les dénigrer encore d’avantage : “serviteurs qui pillez la maison”.


Donc vous n’avez pas honte et vous choisissez l’heure,
L’heure sombre où l’Espagne agonisante pleure !

L’accusation portée par Ruy Blas est ici d’autant plus acerbe qu’il s’adresse directement à ses interlocuteurs en utilisant la deuxième personne du pluriel “vous” répété deux fois dans le vers.

Cette accusation est d’autant plus choquante et virulente que l’Espagne est

  • personnifiée : “L’Espagne agonisante pleure”
  • rendue pathétique par l’utilisation des verbes “agoniser” et “pleurer”
  • renforcée par l’expression pathétique “l’heure sombre” et la répétition de l’heure en début et en fin de vers.

Ils ne portent pas seulement préjudice à la reine ici, mais à leur patrie. Ce qui rend leur crime d’autant plus grave.

 


Donc vous n’avez ici pas d’autres intérêts
Que remplir votre poche et vous enfuir après !

L’anaphore en la conjonction de coordination “donc” en début des vers permet de renforcer la force du discours en le structurant par l’effet de causalité.

L’utilisation une fois de plus de la tournure exclamative rend les propos de Ruy Blas d’autant plus virulents.

La répétition de la deuxième personne du pluriel : “vous”, “votre”, “vous” rend le discours de Ruy Blas d’autant plus critique envers ses interlocuteurs.

On retrouve ici une nouvelle fois une expression familière liée au vol de l’argent : “piller la maison”, “remplir votre poche”. Les conseillers sont réduits au rang de vulgaires voleurs.


Soyez flétris, devant votre pays qui tombe,
Fossoyeurs qui venez le voler dans sa tombe !

 

L’utilisation de la tournure impérative : “Soyez”, raisonne ici comme une malédiction.

On retrouve une fois de plus le registre pathétique utilisé par Ruy Blas pour parler de l’état de son pays : “tombe”, “fossoyeurs”, “flétris”.

L’utilisation d’homonymes “tombe” et “tombe” à la rime donne d’autant plus de force au vers. L’allitération en f “flétris”, “fossoyeurs” en début de vers rend le vers d’autant plus incisif.

L’utilisation pour la deuxième fois de la proposition relative pour qualifier les conseillers permet de les révéler leur vrai visage par leurs actions.


– Mais voyez, regardez, ayez quelque pudeur.
L’Espagne et sa vertu, l’Espagne et sa grandeur,
Tout s’en va. – nous avons, depuis Philippe Quatre,
Perdu le Portugal, le Brésil, sans combattre ;
En Alsace Brisach, Steinfort en Luxembourg ;
Et toute la Comté jusqu’au dernier faubourg ;
Le Roussillon, Ormuz, Goa, cinq mille lieues
De côte, et Fernambouc, et les montagnes bleues !

Ici on est en présence d’une phrase complexe qui se prolonge sur 8 vers. Cela permet de créer un effet hyperbolique qui renforce l’impact de l’énumération des pays que le Royaume d’Espagne a perdu.

L’utilisation de trois verbes à l’impératif : “voyez, regardez, ayez” renforce l’oralité du monologue – Ruy Blas cherche une fois de plus à capter l’attention de son auditoire.

L’utilisation de la conjonction de coordination “mais” permet de renforcer l’importance de la phrase complexe qui va suivre.

Le contre-rejet “Tout s’en va” permet d’une part de mettre en valeur le vers précédent “L’Espagne et sa vertu, l’Espagne et sa grandeur” et de créer un effet d’attente.

La construction du vers, alexandrin régulier coupé à l’hémistiche, marqué par le parallélisme de construction avec l’Espagne répété en début de chaque hémistiche, suivi d’une conjonction de coordination “et”, d’un déterminant possessif et d’un nom mélioratif glorifient d’autant plus l’Espagne d’antan.

La phrase nominale en début du vers suivant : “Tout s’en va” montre au contraire l’irrévocabilité de la destinée du royaume d’Espagne. Cet alexandrin n’est plus régulier (plus coupé à l’hémistiche – l’ordre a été détruit). On remarque que c’est un phrase verbale simple (sujet / verbe / complément), courte, composée uniquement de monosyllabes ce qui la rend d’autant plus incisive.

L’utilisation pour la première fois de la première personne du pluriel “nous” montre que l’État de l’Espagne aura une répercussion sur tout le monde, y compris Ruy Blas. Il ne s’agit plus d’être égoïste, il faut agir pour le bien du pays.

Le cadre temporel est ici clairement marqué et permet d’autant plus d’ancrer l’énonciation de cet extrait : “depuis Philippe Quatre.”

L’énumération qui suit est marquée par un effet de gradation – noms des pays, puis nom des villes – et par des tournures hyperboliques : “jusqu’au dernier faubourg”, “cinq mille lieues”, renforcée par l’exclamation.


Mais voyez. – du ponant jusques à l’orient,
L’Europe, qui vous hait, vous regarde en riant.
Comme si votre roi n’était plus qu’un fantôme,
La Hollande et l’anglais partagent ce royaume ;
Rome vous trompe ; il faut ne risquer qu’à demi
Une armée en Piémont, quoique pays ami ;
La Savoie et son duc sont pleins de précipices.
La France pour vous prendre attend des jours propices.

Voici une deuxième phrase complexe longue qui se prolonge encore sur 8 vers et qui fait écho à la phrase complexe précédente. Ce parallélisme de construction est renforcé par l’utilisation de la conjonction de coordination “Mais” en début de vers et de la tournure impérative “voyez”.

Ruy Blas met en avant l’Europe grâce au contre-rejet du vers 19.

Les pays sont personnifiés pour renforcer l’humiliation subie par l’Espagne : “L’Europe vous hait”, Rome vous trompe”, “La France pour vous prendre attend des jours propices”, “L’Autriche vous guette”. Le champ lexical utilisé fait de l’Espagne la proie des grands pays européens.

On retrouve une fois de plus l’utilisation de formes hyperboliques.

Au lieu d’utiliser la première personne du pluriel, Ruy Blas utilise ici de nouveau la deuxième personne du pluriel, pour faire peser la menace sur les ducs de nouveau. Ils sont à chaque fois placés en COD des verbes pour montrer qu’ils ne sont plus maîtres de leurs actions – les pays européens peuvent les écraser à tout moment.


L’Autriche aussi vous guette. Et l’infant bavarois
Se meurt, vous le savez. – quant à vos vice-rois,
Médina, fou d’amour, emplit Naples d’esclandres,
Vaudémont vend Milan, Leganez perd les Flandres.

  • Remarquons une fois de plus l’utilisation de la deuxième personne du pluriel.
  • La menace : “guette”.
  • L’utilisation des contre-rejet : “se meurt”.

L’utilisation du champ lexical de la défaite : “vend”, “perd”. Le parallélisme de construction aux deux derniers vers, alexandrins réguliers coupés à l’hémistiche montrent d’autant plus à quel point cette situation est irrévocable.


Quel remède à cela ? – l’état est indigent,
L’état est épuisé de troupes et d’argent ;
Nous avons sur la mer, où Dieu met ses colères,
Perdu trois cents vaisseaux, sans compter les galères.

Après avoir présenté toutes les menaces qui pèsent sur le Royaume d’Espagne, Ruy Blas montre l’importance de la part de responsabilité des conseillers dans cette situation.

L’État est ici personnifié et montré sous toute sa faiblesse par l’utilisation d’adjectifs et de participes passés “indigent”, “épuisé”.

L’aspect pathétique du monologue est renforcé par l’utilisation de la proposition relative : “Où Dieu met ses colères”, très imagée. Elle suggère que les défaites de l’Espagne seraient des punitions divines des conseillers trop cupides et égoïstes.

On retrouve une fois de plus l’hyperbole dans le choix des chiffres : “trois cents”, “sans compter”.


Et vous osez ! … – messieurs, en vingt ans, songez-y,
Le peuple, – j’en ai fait le compte, et c’est ainsi ! –
Portant sa charge énorme et sous laquelle il ploie,
Pour vous, pour vos plaisirs, pour vos filles de joie,
Le peuple misérable, et qu’on pressure encor,
À sué quatre cent trente millions d’or.

Et ce n’est pas assez ! Et vous voulez, mes maîtres ! … –

On retrouve l’adresse directe aux interlocuteurs : “vous”, l’apostrophe “messieurs”. On remarquera notamment l’utilisation des déterminants possessifs à la deuxième personne du pluriel : “vos plaisirs”, “vos filles de joie”.

La forte implication de l’orateur en exergue : “j’en ai fait le compte”.

“Le peuple”, mot répété en début de vers est ici à chaque fois mis en avant pour montrer ce qu’il subit à cause de ces conseillers : “misérable”, “a sué”, ploie”, “sa charge énorme”. Le champ lexical montre sa misère. L’utilisation de l’adverbe “encore” montre à quel point le peuple est oppressé.

La tournure métaphorique “le peuple a sué quatre cent trente millions d’or” montre à quel point le peuple souffre à cause des conseillers cupides qui veulent avoir des sommes démesurées.

Le dernier vers raisonne comme une ultime provocation grâce à la répétition en début d’hémistiche de la conjonction de coordination “et” qui insiste sur l’insatiabilité des conseillers.

L’utilisation du déterminant personnel “mes”, renforcé par l’allitération en m en fin de vers renforce l’ironie du discours de Ruy Blas qui donne une leçon à “ces maîtres” insatiables et cupides.

Problématique et plan

Bien sûr la problématique la plus évidente ici s’articulerait autour de la critique de la noblesse. Par exemple, comment Victor Hugo parvient-il à construire un monologue virulent et critique envers la noblesse de son temps ?

Plusieurs plans pourraient bien s’y prêter.

I – Un monologue modalisé qui critique l’auditoire

1 ) Forte modalisation (interjections, exclamatives, discours imagé)

2 ) Un auditoire accusé (utilisation de la deuxième personne du pluriel – répétitions, anaphores, déterminant possessif)

3 ) Une implication stratégique du narrateur (commenter les quelques occurrences de la première personne du singulier et du pluriel – remarques en aparté / susciter de la pitié)

II – Un réquisitoire menaçant et pathétique

1 ) La personnalisation pathétique de l’Espagne (commenter la figure du style, commenter le champ lexical pathétique)

2 ) De nombreuses tournures hyperboliques qui insistent sur la déchéance du pays pour mieux persuader l’auditoire

3 ) La menace qui pèse sur l’Espagne (COD, phrases nominales, effet de contre-rejet, éléments spatio temporels précis) pour mieux convaincre l’auditoire

III – Une critique vive et ironique de la noblesse

1 ) L’opposition Noblesse / peuple mise en avant par un héros romantique

2 ) Le décalage ironique (le décalage entre les adjectifs mélioratifs et péjoratifs / “mes maîtres”) d’un héros romantique insoumis

3) Dans une discours fortement mis en scène (les didascalies, l’évocation du Dieu, la malédiction des fossoyeurs).

À noter :

  • La distinction convaincre / persuader ;
  • La définition du drame romantique ;
  • Le vocabulaire du théâtre (didascalies, monologue, etc.) ;
  • Être très précis dans les termes choisis : connaître ses registres (pathétique), connaître les figures de style, connaître les éléments de l’analyse logique (phrase simple, phrase complexe, proposition relative), connaître les éléments de l’analyse grammaticale (conjonction de coordination, adverbe, etc.).

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