Image article utopies littérature bac français

Bac français : les utopies dans la littérature

À lire dans cet article :

Le registre utopique se retrouve dans la littérature et la philosophie à toutes les époques. Il s’agit d’un thème incontournable : nous te proposons donc de t’en expliquer les enjeux et de te donner quelques références utiles pour tes copies.

Qu’est-ce qu’une utopie ?

Définition d’une utopie

Pour commencer, le terme d’« utopie » provient d’« Utopia », mot créé par Thomas More. Celui-ci provient du grec, formé par les mots ou, signifiant « non », et topos, qui désigne le lieu. Ces deux mots forment « outopia », c’est-à-dire un « lieu qui n’existe pas ». Cependant, une autre acception, celle d’ « eutopia », admise également, signifie le « lieu où l’on est bien ».

Selon le dictionnaire Larousse, il s’agit d’une « construction imaginaire et rigoureuse d’une société, qui constitue, par rapport à celui qui la réalise, un idéal ou un contre-idéal ». Ce terme revêt également un second sens, celui d’un « projet dont la réalisation est impossible, conception imaginaire ».

Aujourd’hui, dans le langage courant, « utopique » veut dire impossible. En effet, une utopie est une chimère, c’est-à-dire une construction purement imaginaire dont la réalisation est, a priori, hors de notre portée. Or, paradoxalement, les auteurs qui ont créé le mot, puis illustré le genre littéraire inventé par Thomas More en 1516, avaient plutôt pour ambition d’élargir les horizons et d’abord de les explorer.

Certes, l’utopie se caractérise par un recours à la fiction, par un artifice littéraire qui consiste à décrire une société idéale dans une géographie imaginaire, souvent dans le cadre d’un récit de voyage purement romanesque. Mais imaginaire ou fictif n’est pas synonyme d’impossible, car tous les rêves ne sont heureusement pas des chimères !

Pourquoi étudier l’utopie ?

L’utilisation de l’utopie en littérature ou dans le cinéma permet une réflexion sur une société idéale qui pourrait servir de modèle afin d’améliorer les conditions de vie des membres d’une société.

Fonctions de l’utopie

Dans la mesure où elle présente un monde idéal, dans lequel les hommes sont libres et heureux, l’utopie a parfois pour fonction de critiquer implicitement (de manière sous-jacente, indirectement) le monde réel. Cette critique peut avoir plusieurs destinataires, comme un gouvernement, un type de pouvoir, ou plus largement la société et ses défauts. De plus, l’utopie revêt souvent une fonction didactique, car elle permet de faire réfléchir sur l’organisation sociale et proposer des idées nouvelles destinées à améliorer la vie en société.

Une littérature souvent politique

Les utopies relevant de la littérature politique, du XVIe au XVIIIe siècle, participent à une critique de l’ordre existant et à une volonté de le réformer en profondeur ; le recours à la fiction est un procédé qui permet de prendre ses distances par rapport au présent pour mieux le relativiser et le décrire, d’une manière aussi concrète que possible, ce qui pourrait être. En outre, l’épanouissement du genre utopique correspond à une période où l’on pense, justement, que, plutôt que d’attendre un monde meilleur dans un au-delà providentiel, les hommes devraient construire autrement leurs formes d’organisation politique et sociale pour venir à bout des vices, des guerres et des misères. En ce sens, les descriptions qu’ils proposent, dans lesquelles ils font voir des cités heureuses bien gouvernées, visent à convaincre leurs lecteurs que d’autres modes de vie sont possibles.

Finalement, on parle de contre-utopie, ou de dystopie quand le monde décrit est un enfer, comme dans Le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley (1932) – dont tu trouveras un résumé ici – ou dans 1984 de George Orwell, publié en 1950, sur lequel nous revenons plus loin.

Ainsi, l’utopie est souvent liée au genre de la science-fiction. C’est la raison pour laquelle l’action est souvent placée dans le futur, car cela permet de prendre du recul sur ce qui se passe dans le présent et de mieux y réfléchir.

Les premiers textes utopistes

Platon est le premier grand idéaliste de la pensée occidentale, dont la pensée est exposée dans l’ouvrage La République, dans lequel le philosophe expose ce que devait être pour lui une cité organisée de manière idéale par castes. C’est cette volonté de constituer une cité idéale, faisant de Platon le grand fondateur du concept d’idée, qui fut reprise ultérieurement par les utopistes du XIXe siècle. Même si Platon a réfléchi aux questions économiques, sa pensée ne fut pas aussi aboutie sur ce thème que celle de l’école de son successeur, Aristote.

Les œuvres utopistes majeures

L’Utopie de Thomas More

Utopia est un ouvrage de l’auteur anglais Thomas More, paru en 1516. Il est traduit en français en 1550. C’est un ouvrage fondateur du mouvement humaniste, qui présente une ville dans une île imaginaire où règne la justice et l’égalité totale (les gens ne possèdent rien).

Dans cet ouvrage, Thomas More propose une ville parfaite, inspirée de la vision littéraire des villes antiques : l’urbaniste s’inspire des villes romaines et de la vie sociale des Spartes, car ils mettent tout en commun. Il illustre bien en cela l’humanisme en étudiant la fonctionnalité de la ville et en prêtant à ses habitants toutes les qualités attendues (bonté). Ce texte peut donc être mis en parallèle avec la présentation de l’abbaye de Thélème dans Gargantua de Rabelais où ce dernier propose un autre idéal de vie.

Pour en savoir plus, nous te suggérons de regarder cette courte vidéo proposée par la plateforme Lumni sur L’Utopie de Thomas More, disponible juste ici.

Gargantua et l’abbaye de Thélème

L’abbaye de Thélème est la première utopie de la littérature française, décrite par François Rabelais du chapitre LII au chapitre LVIII (ou L à LVI dans l’édition de 1535) de Gargantua.

Les Thélémites agissent selon leur libre arbitre, comme le veut l’unique clause de leur règle : « Fay ce que vouldras ». Il est affirmé que des gens bien éduqués et en compagnie honnête sont poussés par l’honneur à agir vertueusement ; les Thélémites sont instruits, vigoureux et élégants. L’abbaye, contrairement aux autres, est dépourvue de murailles, car les lieux fermés favorisent les murmures et les conspirations. Une grande liberté y règne.

L’île des esclaves, Marivaux

Dans L’île des esclaves, Marivaux met au centre de cette œuvre une société utopique dans laquelle les rôles sont inversés. Après un naufrage, des rescapés échouent sur une île. Sur cette île étrange, les valets et les maîtres sont obligés d’échanger leurs habits, leur nom et même leur condition ! Les valets deviennent alors maîtres et inversement. Les premiers sont heureux, car ils peuvent jouir d’une nouvelle vie, faite des plaisirs de leurs anciens maîtres. Toutefois, de l’autre côté, les anciens maîtres sont beaucoup plus amers, car ils ont perdu leurs privilèges.

Pour en savoir plus, nous t’invitons à consulter notre article dédié à cette œuvre au programme du bac français 2024 !

Candide, Voltaire

Le chapitre 17 de Candide (1759), œuvre incontournable de Voltaire, raconte l’arrivée des protagonistes de ce roman philosophique à Eldorado. Ce lieu incarne l’âge d’or, un lieu séduisant et idyllique, dans lequel on y refuse le gain et donc la cupidité. L’organisation sociale est harmonieuse, fondée sur le communautarisme et le désintéressement : pourtant cela reste qu’une vision idéalisée d’une société impossible.

1984, George Orwell

Écrit en 1948, le célèbre roman 1984 de George Orwell se déroule à Londres en 1984, comme l’indique le titre du roman.

L’action prend place dans un monde divisé en trois grands « blocs » depuis les grandes guerres nucléaires des années 1950. Il s’agit de l’Océania (Amériques, îles de l’Atlantique, comprenant notamment les îles Anglo-Celtes, Océanie et Afrique australe), l’Eurasia (reste de l’Europe et URSS) et l’Estasia (Chine et ses contrées méridionales, îles du Japon et une portion importante, mais variable de la Mongolie, de la Mandchourie et du Tibet).

Ces trois blocs sont en guerre perpétuelle les uns contre les autres, et sont dirigés par différents régimes totalitaires revendiqués comme tels et s’appuyant sur des idéologies nommées différemment, mais fondamentalement similaires. En premier, il y a l’Angsoc (ou « socialisme anglais ») pour l’Océania, puis le « néo-bolchévisme » pour l’Eurasia et enfin le « culte de la mort » pour l’Estasia. Tous ces partis sont présentés comme communistes avant leur montée au pouvoir, jusqu’à ce qu’ils deviennent des régimes totalitaires et relèguent les prolétaires qu’ils prétendaient défendre au bas de la pyramide sociale. À côté de ces trois blocs subsiste une sorte de « Quart-monde ».

Fahrenheit 451, Ray Bradbury

Ce roman de science-fiction écrit en 1953 se situe dans un État totalitaire, dans un futur indéterminé, où les livres sont considérés comme dangereux et donc interdits et brûlés. Le titre du roman fait à cet effet référence à une température en degrés Fahrenheit, qui selon l’auteur est celle où le papier s’enflamme et se consume (451 degrés Fahrenheit, soit environ 232,7 degrés Celsius).

Une excellente adaptation cinématographique a été réalisée par le cinéaste François Truffaut en 1966.

Ravage, René Barjavel

Le roman se passe en 2052, dans un Paris dont la population est dominée et dépendante des machines et de la technologie. Mais un jour, une panne d’électricité vient paralyser le monde. Un homme part alors pour la Provence pour créer une nouvelle société, libérée des machines, vivant du travail de la terre.

Soumission, Michel Houellebecq

Plus récemment, en 2015, l’auteur français Michel Houellebecq qui a obtenu le Prix Goncourt en 2010, imagine une situation utopique en France dans les années 2020 dans son roman intitulé Soumission. En résumé, un parti musulman remporte la présidentielle contre le Front national ; le Front national de Marine Le Pen, qui a déjà perdu le scrutin de 2017, subit une alliance des partis de la droite française UMP, UDI, PS, associés à la Fraternité musulmane, parti inventé par l’auteur. Son leader, Mohammed Ben Abbes, finit par être élu et choisit François Bayrou comme Premier ministre.

Des utopies réalisables ? Le cas d’Atlantropa

L’Atlantropa, également appelé Panropa, était un gigantesque projet d’ingénierie et de colonisation conçu par l’architecte allemand Herman Sörgel dans les années 1920 et promu par lui jusqu’à sa mort, en 19522. Le projet consistait à construire plusieurs barrages hydroélectriques en des points clés de la mer Méditerranée, comme le détroit de Gibraltar et le Bosphore, afin de provoquer une baisse du niveau de la mer et de créer de nouvelles terres à coloniser. Il avait été proposé comme une alternative pan-européenne pacifique aux concepts de Lebensraum de l’Allemagne nazie. Ce projet, au début utopique, a fait l’objet de recherches poussées visant sa concrétisation.

En définitive, l’utopie est un genre qui est exploré afin d’envisager d’autres situations, d’autres mondes, qu’ils soient purement et simplement impossibles à réaliser ou qu’ils revêtent une forme d’idéal à atteindre.

Tu veux plus d’informations et de conseils pour réussir tes examens et trouver ton orientation ? Rejoins-nous sur Instagram et TikTok !

À la une