Qu’est-ce qu’une aposiopèse ? C’est ce que tu as dû te dire en voyant le mot. C’est une figure de style au nom savant et pourtant, simple à comprendre. On va faire le point avec des exemples d’aposiopèse, une définition de ce procédé littéraire et des explications simples à comprendre.
Quels sont les exemples d’aposiopèse ?
L’aposiopèse est une figure de style qui consiste à marquer une pause dans la phrase, qui révèle une émotion. Avant de développer sur une définition approfondie de l’aposiopèse, on veut te montrer quelques exemples rapides.
👉 « Lisette : — Ah ! Tirez-moi d’inquiétude. En un mot, qui êtes-vous ? / Arlequin : — Je suis… N’avez-vous jamais vu de fausse monnaie ? savez-vous ce que c’est qu’un louis d’or faux ? Eh bien, je ressemble assez à cela. », Marivaux, Le Jeu de l’amour et du hasard.
👉 « Tu vas ouïr le comble des horreurs. / J’aime… À ce nom fatal, je tremble, je frissonne. / J’aime… » Jean Racine, Phèdre.
👉 « À mon arrivée au logis, aux premiers mots que je balbutiai, Pauline m’interrompit en disant : — Si vous n’avez pas de monnaie… Ah ! la musique de Rossini n’était rien auprès de ces paroles. Mais revenons aux Funambules. » Balzac, La Peau de chagrin.
Comme tu peux le voir, l’aposiopèse crée une rupture dramatique et d’interruption brusque dans le texte. Maintenant, nous allons passer à la définition de l’aposiopèse.
Qu’est-ce qu’une aposiopèse ?
Petit point historique sur l’origine du mot 🤓 : le mot aposiopèse vient du grec ἀποσιώπησις qui signifie « action de s’interrompre en parlant ou de cesser de parler, silence ». C’est une figure de rhétorique avancée qui souligne la réticence avec une rupture immédiate. Ce procédé joue sur le silence et le non-dit pour exprimer une pensée inavouable.
Elle s’exprime souvent dans le théâtre pour créer un effet comique ou une tension sentimentale. À l’écrit, tu verras souvent les points de suspension exprimés, la pause et la rupture syntaxique. C’est aussi une figure du discours que l’on entend dans la vie quotidienne. Parfois, il nous arrive de balbutier ou même de s’interrompre à cause de ses pensées ou de ses émotions.
Voici un petit exemple qui illustre cette situation :
👉 « Tu sais, je t’aime… mais je… C’est compliqué ».
Le « mais je… » démontre l’hésitation et le sous-entendu qui tiraille la personne qui s’exprime.
Maintenant, tu sais que c’est une aposiopèse !
Quelle est la différence entre l’aposiopèse et l’ellipse ?
Définition de l’ellipse
Une ellipse est une figure de style d’omission. Pierre Fontanier, grammairien français, la définit comme « la suppression de mots qui seraient nécessaires à la plénitude de la construction, mais que ceux qui sont exprimés font assez entendre pour qu’il ne reste ni obscurité, ni incertitude ».
Ce n’est donc pas une figure de style qui consiste à interrompre une pensée ou une phrase, mais plutôt de retirer des parties de la phrase sans en changer son sens.
La différence entre une aposiopèse et une ellipse
Pour te montrer la différence entre les deux procédés littéraires, on va te montrer un exemple pour chacun et les comparer :
Exemple d’aposiopèse 👉 « Agnès — Eh ! il m’a… / Arnolphe — Quoi? / Agnès — Pris… / Arnolphe — Euh ? / Agnès — Le… / Arnolphe — Plaît-il? / Agnès — Je n’ose, et vous vous fâcherez peut-être contre moi. / Arnolphe — Non. / Agnès — Si fait. / Arnolphe — Mon Dieu ! non. / Agnès — Jurez donc votre foi. / Arnolphe — Ma foi, soit. / Agnès — Il m’a pris… Vous serez en colère. / Arnolphe — Non. / Agnès — Si. », Molière, L’École des femmes.
Exemple d’ellipse 👉 « J’ai reçu un télégramme de l’asile : “Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués”. », Albert Camus, L’Étranger.
Dans le cas de l’ellipse, tu vois qu’il n’y a pas de réticence. C’est le message du télégramme qui montre l’omission de certaines parties de la phrase. Il n’y a pas d’interruption ou de tonalité cherchée.
Quant à l’aposiopèse, elle se trouve dans l’hésitation d’Agnès. Les points de suspension et le changement de sujet montre une peur et un effet comique pour les spectateurs ou lecteurs.
Quelle est la différence entre l’aposiopèse et la prétérition ?
Définition de la prétérition
La prétérition est une figure de style particulière, car elle dit quelque chose après avoir dit qu’elle ne va pas en parler. On peut facilement la confondre avec une aposiopèse puisque leur effet se situe dans le détournement. Pourtant, nous allons voir qu’il y a une différence fondamentale entre les deux procédés.
La différence entre une aposiopèse et une prétérition
Pour te montrer la différence entre l’aposiopèse et la prétérition, on va te montrer un exemple pour chacune de ses figures de style pour mieux les comparer :
Exemple d’aposiopèse 👉 « Osez-vous, sans ma permission, ô vous, bouleverser le ciel et la terre et soulever de telles masses ? J’ai envie de vous… ! Mais il faut d’abord apaiser les flots déchaînés… », Virgile, Chant I, vers 133-135
Exemple de prétérition 👉 « Je n’ai aucune arrière-pensée. Je ne veux pas t’influencer… / Mais si une épée comme celle-là tuait ta sœur, nous serions bien tranquilles… », Jean Giraudoux, « Électre ».
Ici, l’aposiopèse utilise le « … Mais » pour créer une rupture émotionnelle entre le désir exprimé (j’ai envie de vous) et la colère ressentie (il faut d’abord apaiser les flots déchaînés). Il n’y a pas de retour en arrière, mais plutôt une mise en avant des sentiments.
En ce qui concerne la prétérition, elle utilise aussi le « … Mais ». Cependant, le procédé met en avant un retour en arrière, une mise en garde, une manipulation. Il y a l’envie d’exprimer, plutôt que de dissimuler ou de cacher.
Quelle est la différence entre l’anacoluthe et l’aposiopèse ?
Définition de l’anacoluthe
Une anacoluthe est un procédé linguistique qui consiste à créer une confusion syntaxique. Son objectif est surtout de surprendre le lecteur plutôt que de laisser passer un message ou dire quelque chose d’autre. La différence entre les deux figures est donc facile à établir !
La différence entre une anacoluthe et une aposiopèse
Voici un exemple d’anacoluthe et d’aposiopèse que l’on va comparer ensemble pour mieux les distinguer :
Exemple d’anacoluthe 👉 « Le nez de Cléopâtre, s’il eût été plus court, la face du monde en eût été changée. », Blaise Pascal, Pensées.
Exemple d’aposiopèse 👉 « Moi, qui mourrais le jour qu’on voudrait m’interdire / De vous… », Jean Racine, Bérénice.
L’anacoluthe utilise deux sujets différents dans une même phrase : « Le nez de Cléopâtre » et « la face du monde ». Les deux sont reliés, car ils font allusion à la même figure, celle de la reine Cléopâtre. Pourtant, on constate que ce qui caractérise l’anacoluthe c’est la digression d’un sujet vers l’autre.
Pour l’aposiopèse, la rupture souligne le caractère inachevé de la relation. L’emploi des points de suspension caractérise brusquement l’amour de Bérénice.
Quel est l’effet produit par une aposiopèse ?
Nous avons défini l’aposiopèse, mais encore faut-il comprendre l’effet qu’elle crée. Comme tu l’as deviné, son usage, en fin de phrase par exemple, crée une tension dans le rythme de la phrase. On remarque souvent que c’est cet effet d’inachevé qui est recherché. L’expression des sentiments et de l’incertitude soulignent un aspect poétique, laissant place à l’imaginaire du lecteur.
Pour certains auteurs, il s’agit de mettre en avant une forme de romance dans la narration et l’interrompt pour appuyer sur la sensation (Racine, Claude Simon). Pour d‘autres, il s’agit de souligner un événement qui peut porter honte ou embarras (Molière, Balzac). L’aposiopèse joue sur les émotions et les non-dits, sur la vulnérabilité des personnages et leur fragilité pour créer un jeu de passion et de confusion.
Maintenant, tu sais tout sur l’aposiopèse ! On espère que tu en trouveras dans tes prochains commentaires en français, tu vas épater ton correcteur ! 👏
Exercice sur l’aposiopèse
On te propose un petit exercice pour vérifier si tu as bien compris ce que c’était qu’une aposiopèse !
Complète les phrases suivantes en utilisant une aposiopèse pour exprimer une émotion, une hésitation ou une idée suggérée sans être totalement dite. Pense à laisser un suspense ou un silence qui donnera une idée implicite de la suite.
- « Si je te disais que… »
- « Il aurait pu tout réussir, mais… »
- « Elle savait que c’était dangereux, et pourtant… »
- « Un jour, je te raconterai tout ce qui s’est passé ce soir-là, sauf que… »
- « Il avait l’air de vouloir tout dire, mais soudain… »
Ne triche pas ! 🤓
Solution :
- « Si je te disais que… je n’ai jamais vraiment voulu partir… »
- « Il aurait pu tout réussir, mais… il n’a pas osé. »
- « Elle savait que c’était dangereux, et pourtant… elle n’a pas hésité. »
- « Un jour, je te raconterai tout ce qui s’est passé ce soir-là, sauf que… certains secrets doivent rester cachés. »
- « Il avait l’air de vouloir tout dire, mais soudain… il s’est tu, laissant un lourd silence. »
