Comprendre les voix en grec ancien est essentiel pour bien interpréter les actions décrites dans un texte. La voix (φωνή, phônê) détermine comment le sujet participe à l’action : l’accomplit-il, la subit-il, l’accomplit-il pour soi-même ? Maîtriser les structures actives, moyennes et passives permet non seulement de traduire justement mais aussi de saisir des nuances souvent intraduisibles en français.
Qu’est-ce qu’une voix verbale en grec ?
Dans un verbe grec, la voix modifie le rapport entre le sujet et l’action :
- La voix active est le schéma le plus « simple » : le sujet fait l’action sur un objet ou sur lui-même.
- La voix moyenne est la spécificité du grec ! Le sujet accomplit l’action pour lui-même, à son avantage, ou participe activement à ce qui le concerne.
- À la voix passive, le sujet subit l’action, il en est l’objet et non l’agent.
La voix active en grec ancien
Dans la voix active, le sujet est l’agent de l’action. C’est le fonctionnement le plus courant, qui correspond globalement au français.
- ἡ μήτηρ γράφει ἐπιστολήν.
La mère écrit une lettre. (La mère agit, la lettre est ce qui reçoit l’action)
Les terminaisons sont spécifiques : -ω, -εις, -ει, etc. au présent de l’indicatif.
La voix active se retrouve dans pratiquement tous les temps et modes.
La voix moyenne : spécialité grecque
La voix moyenne n’existe pas réellement en français moderne, mais elle est omniprésente en grec. Elle traduit généralement un intérêt, une implication du sujet dans l’action : il agit pour lui-même, sur lui-même, ou dans son propre intérêt.
Exemples typiques :
- λέγομαι (je parle pour moi-même)
- λύομαι (je délie pour moi, ou je me délie)
- ἀγωνίζομαι (je me bats, je lutte personnellement)
La moyenne peut indiquer :
- une action réfléchie (le sujet agit sur lui-même) : λούομαι (je me lave)
- une action réciproque (deux sujets agissent l’un sur l’autre) : φιλοῦνται (ils s’aiment mutuellement)
- une action d’intérêt propre (le sujet fait pour son profit ou son avantage) : λαμβάνομαι (je prends pour moi)
On reconnaît la voix moyenne à ses propres terminaisons (-μαι, -σαι, -ται, etc.)
Elle existe au présent, futur, imparfait, parfait, mais pas toujours à l’aoriste qui peut avoir une forme « moyenne » (aoriste moyen) avec valeur propre.
La voix passive en grec : exprimer l’action subie
La voix passive, familiarisée par le français, indique que le sujet subit l’action, souvent accomplie par un agent indiqué ou compris.
- γράφομαι ἐπιστολήν.
La lettre est écrite (par moi, ou par quelqu’un d’autre, selon le contexte). - ὁ παῖς παιδεύεται ὑπὸ τοῦ διδασκάλου.
L’enfant est instruit par le maître.
En grec, la distinction entre la voix moyenne et la voix passive est très fine : dans certains temps (présent, imparfait, futur), les formes de la voix moyenne et de la voix passive sont identiques. C’est le contexte qui indique la nuance.
Il existe toutefois des marques propres pour le passif à l’aoriste et au futur dit « passif » (suffixes -θην, -θης, -θη, etc. pour l’aoriste passif), qui ne peuvent jamais être de sens moyen.
Terminaisons types (présent de λύω) en grec
Personne | Actif | Moyen / Passif |
1re sg. | λύω | λύομαι |
2e sg. | λύεις | λύῃ / λύει |
3e sg. | λύει | λύεται |
1re pl. | λύομεν | λυόμεθα |
2e pl. | λύετε | λύεσθε |
3e pl. | λύουσι(ν) | λύονται |
Remarque : pour l’aoriste, la voix moyenne a ses propres terminaisons (-άμην, -ῶ, -ατο…), et le passif a les siennes (-θην, -θης, -θη…).
Astuce : attention au contexte !
Pour distinguer le sens d’une forme moyenne/passive, pose-toi les questions suivantes :
- Le sujet agit-il pour lui-même, sur lui-même, ou tire-t-il un avantage de l’action ? (voix moyenne)
- Le sujet subit-il clairement l’action, sans participer à sa volonté ? (voix passive)
- Y a-t-il un agent exprimé ? (génitif après ὑπό pour le passif pur)
En cas de doute, consulte le dictionnaire : certains verbes sont pratiquement toujours moyens ou passifs, d’autres peuvent changer de sens selon la voix.
Verbes à voix moyenne ou passive obligatoire
Certains verbes grecs existent uniquement à la voix moyenne ou passive : ce sont les verbes déponents.
Exemples :
- ἔρχομαι (je vais)
- δέχομαι (je reçois)
- πορεύομαι (je me mets en route)
Ils se forment à la voix moyenne (ou passive) mais ont un sens actif.
Les pièges à éviter en grec
- Penser que la voix moyenne n’existe pas en français — il faut donc toujours reformuler selon le contexte.
- Croire qu’une forme « passive » a toujours un sens passif : ce peut être une action pour soi (moyen) ou un verbe déponent au sens actif.
- Oublier la différence morphologique entre l’aoriste moyen et le passif : le suffixe -θη- marque toujours le passif.
Exemples en grec
- λούει τὸν παῖδα (il lave l’enfant) → actif
- λούεται (il se lave, il est lavé) → moyen ou passif suivant le sens/contexte
- λύθη (il fut délié) → passif (aoriste passif)
Exercices pratiques en grec
Exercice 1 : Identifie la voix de chaque verbe et traduis
- γράφομαι
- δέχεται
- λύθησαν
- βλέπομεν
Exercice 2 : Mets à la voix moyenne ou passive
- γράφω (au présent, 1re sg., voix moyenne)
- παιδεύει (au présent, 3e sg., voix passive)
- λαμβάνειν (à l’infinitif, voix moyenne)
Correction
Exercice 1 :
- Moyen/passif (« je suis écrit » ou « j’écris pour moi / l’action se fait sur moi »)
- Moyen : « il/elle reçoit »
- Passif (aoriste) : « ils furent déliés »
- Actif : « nous voyons »
Exercice 2 :
- γράφομαι
- παιδεύεται
- λαμβάνεσθαι