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Guerre en Ukraine : comprendre le conflit par l’Histoire

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À moins que tu ne vives reclu(e) au fin fond d’une grotte depuis plusieurs semaines maintenant, tu as forcément entendu parler de la guerre qui fait rage entre la Russie et l’Ukraine. Les chaînes d’informations ne parlent plus que de ça, mais tu n’es pas sûr(e) de tout comprendre ? Dans ce nouvel article nous faisons le point avec toi sur la guerre en Ukraine : quels sont les raisons d’un tel conflit ? quels sont les enjeux ? quel est le passif des deux pays ? Zoom sur le fait d’actualité le plus marquant de ces derniers mois.

L’Ukraine, enjeux stratégiques : pays étendu, peu peuplé et aux grandes virtualités économiques

Démographie et géographie

Deuxième pays d’Europe par sa superficie (après la Russie) et le premier entièrement européen, l’Ukraine s’étend sur 603 000 km2 (576 000 km2 hors Crimée), pour une population de 45 millions d’habitants. La densité de la population ukrainienne est donc de 75 habitants par kilomètre-carré (118 pour la France). Cependant, de nos jours, la courbe démographique ukrainienne est à la peine pour deux raisons : l’exil de certain de ses habitants et surtout, comme dans bon nombre de pays de l’Est, un déficit des naissances important : selon certaines estimations, la population serait en réalité inférieure à 40 millions de personnes.

Une vaste plaine agricole et minière

L’Ukraine est un gigantesque pays agricole (60% des terres sont constituées de tchernoziom ou terres noires, des sols très fertiles). Durant la période communiste, on parlait de l’Ukraine comme du « grenier à blé » de l’URSS. Aujourd’hui encore, et malgré des rendements limités du fait d’un faible recours aux engrais et à l’irrigation, l’Ukraine reste un producteur majeur de céréales et d’oléagineux. Elle est au sixième rang mondial pour la production de blé et de maïs en 2020 et la 4ème puissance productrice de pommes de terre.

Très riche en ressources minières, ce pays était en 2019 le 7ème producteur mondial de minerai de fer, le 8ème de manganèse, le 6ème de titane et le 8ème d’uranium. Si les mines de charbon fournissent 80% de la demande domestique, les ressources locales de pétrole et de gaz ne recouvrent en revanche que 20 et 10% des besoins.

L’industrie ukrainienne, héritière de l’URSS

L’Ukraine est, encore de nos jours, tributaire des industries mises en place du temps de l’URSS. Elle dispose d’une forte industrie chimique (coke, fertilisants), d’une importante industrie métallurgique (acier, fonte et tuyaux) et d’un tissu relativement dense d’entreprises de haute technologie (électronique, armement, etc.).

Pourtant, la croissance reste traditionnellement handicapée par une corruption omniprésente dans les milieux d’affaires. On peut y ajouter des réformes de structures inachevées et une dette extérieure importante (180% PIB). Ces trois points confèrent à l’Ukraine un taux de pauvreté supérieur à celui de l’ère soviétique (24% de la population sous le seuil de pauvreté en 2010, selon la CIA).

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Le poids de l’histoire : des racines communes et des destins hétéroclites

La Rus’ de Kiev

Les origines de la culture ukrainienne se trouvent dans la Rus’ de Kiev, qui fut la principale principauté slave orientale, du milieu du IXème au milieu du XIIIème siècle. Fondée par les Varègues (dirigés par le chef viking Riourik), la Rus’ de Kiev s’étend sur les territoires des trois États slaves orientaux actuels : Russie, Ukraine et Biélorussie. Ce royaume, sous la dynastie des Riourikides, établit sa capitale à Kiev. Kiev devient alors rapidement le cœur de ce qui sera un jour l’empire russe. Surtout, c’est à Kiev qu’eut lieu en 988, le baptême du souverain russe Vladimir le Grand, qui convertit les Slaves orientaux au Christianisme. Ce baptême donnera naissance aux peuples russe, ukrainien et biélorusse. Lors du schisme de 1054, entre catholiques et orthodoxes, la Rus’ demeura fidèle au rite byzantin, reflet de ses liens étroits avec Constantinople.

L’Ukraine entre Est et Ouest

Après l’invasion mongole de la Rus’ de Kiev (1223-1240), l’histoire des peuples qui l’habitent commence à diverger. Les Polonais et les Lituaniens, qui résistent aux Mongols, s’installent au Nord-Ouest de l’Ukraine. La Pologne-Lituanie annexe même Kiev en 1362. C’est durant cette domination étrangère qu’apparaissent les Cosaques, des paysans orthodoxes qui refusent l’assimilation aux Polonais catholiques. Les Cosaques s’allient à l’État russe ayant Moscou comme nouvelle capitale.

L’autonomie des Cosaques perdurera jusqu’à la fin du XVIIIème siècle (Catherine II), tandis que la partie ouest de l’Ukraine est intégrée à la même époque à l’empire d’Autriche. L’Ukraine connaît alors des décennies coupée entre deux cultures, catholiques et orthodoxes, sans réussir à se fédérer derrière un drapeau.

Pourtant, au milieu du XIXème siècle, un mouvement national ukrainien apparait dans l’empire russe. En 1863, le ministre de l’Intérieur russe limite l’usage de la langue ukrainienne. La publication et même l’importation des livres en ukrainien sont interdites.

L’Ukraine sous le communisme

À la suite de la révolution de 1917, l’indépendance ukrainienne est proclamée, mais le pouvoir bolchevik finit rapidement par reprendre le contrôle de la région en 1921. La période stalinienne est marquée par le terrible Holodomor (extermination par la faim), qui aurait fait entre 4 et 7 millions de morts en Ukraine.

En septembre-octobre 1939 (partage de la Pologne entre Hitler et Staline), les régions polonaises à forte minorité ukrainienne (Galicie et Lwow, aujourd’hui Lviv) sont incorporées au sein de l’Ukraine occidentale (en juin 1940, c’est le tour de la Bucovine du nord et du Boudjak, pris à la Roumanie).

À l’été 1941, les soldats de la Wehrmacht sont accueillis en libérateurs par une partie des Ukrainiens, mais devant les sévices infligés à la population, la résistance locale aux occupants ne fera que grandir jusqu’au retour des Soviétiques en 1944. À la fin de la guerre, le bilan des pertes ukrainiennes est de 8 millions de morts.

En 1954, le 1er secrétaire du PC soviétique, Nikita Khrouchtchev, qui a passé sa jeunesse en Ukraine, transfère la péninsule de Crimée à l’Ukraine, lors du 300ème anniversaire d’un traité entre la Russie et les Cosaques. L’idéologie officielle de l’époque présente l’Ukraine comme une république soviétique modèle. Le successeur de Khrouchtchev, Léonid Brejnev, qui règne de 1964 à 1982 est même d’origine ukrainienne.

L’Ukraine depuis la chute du communisme

C’est seulement vers 1989 que la libération du régime soviétique permet aux Ukrainiens d’accéder à une vie démocratique. L’indépendance de l’Ukraine est proclamée le 24 août 1991 et confirmée par le référendum du 1 décembre 1991 (92% de voix pour l’indépendance).

Lors d’un sommet sur la Sécurité et la Coopération en Europe, tenu à Budapest le 5 décembre 1991, l’Ukraine ratifie le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) à la suite de la Biélorussie et du Kazakhstan.

Le Mémorandum de Budapest stipule que la Russie, les États-Unis et le Royaume-Uni s’engagent notamment, en contrepartie de l’adhésion de l’Ukraine au TNP et du transfert de son arsenal nucléaire à la Russie (qui doit alors le détruire) à :

1) Respecter l’indépendance et la souveraineté ukrainienne dans ses frontières actuelles

2) S’abstenir de toute menace ou usage de la force contre l’Ukraine

L’Ukraine en quête de l’Occident

Rapprochement avec l’OTAN au début des années 2000

Membre du Conseil de coopération nord-atlantique en 1992, l’Ukraine a conclu en février 1994 un accord-cadre avec l’OTAN. Cet accord, au sein du programme du Partenariat pour la paix, aboutit trois ans plus tard à la création de la Commission OTAN-Ukraine. Cette commission a pour rôle le développement du processus d’intégration euro-atlantique de l’Ukraine.

Le 21 novembre 2004, la victoire à la présidentielle de Viktor Ianoukovytch (soutenu par la Russie) suscite de vastes manifestations populaires (la révolution Orange) soutenues par de nombreux gouvernements occidentaux.

Un nouveau scrutin est organisé le 26 décembre 2004. Ce dernier voit la victoire de Viktor Iouchtchenko, partisan de l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN et inaugure une période de tensions avec la Russie. Des conflits concernant le prix du gaz russe livré à l’Ukraine éclatent régulièrement entre 2006 et 2009. Ils remettent indirectement en cause les livraisons de la société russe Gazprom à l’Union européenne qui transitent par l’Ukraine. S’ensuivent, à l’issue d’âpres négociations, des compromis élaborés difficilement.

Sommet de Bucarest et rapprochement avec l’UE

Lors du sommet de l’OTAN de Bucarest du 3 avril 2008, l’OTAN, par l’intermédiaire du président américain Bush fils « se félicite des aspirations euro- atlantiques de l’Ukraine et de la Géorgie, qui souhaitent adhérer à l’Alliance. » Surtout, ils déclarent « aujourd’hui, nous (les dirigeants de l’OTAN) avons décidé que ces pays deviendraient membres de l’OTAN ». Cette déclaration est souvent considérée comme une provocation envers la Russie et sa politique d’endiguement tacite de l’OTAN à ses frontières occidentales.

Jusqu’en 2014, la présidence Ianoukovytch

L’élection à la présidence de l’Ukraine de Viktor Ianoukovitch (2010-2014), qui avait déclaré lors de sa campagne que la question de l’adhésion à l’OTAN n’était pas urgente, contribue au réchauffement des relations avec la Russie. Mais la perspective d’un accord d’association avec l’Union européenne qui est en discussion à l’automne 2013, provoque une crise avec Moscou et l’Ukraine finit par renoncer à sa signature. Cette décision entraîne d’importantes manifestations à Kiev.

Surtout, le 23 février 2014, Ianoukovytch est contraint, sous la pression populaire, à s’exiler en Russie. L’opposition pro-occidentale prend le pouvoir. Très rapidement, une crise éclate entre les territoires majoritairement russophones du sud-est de l’Ukraine et le nouveau pouvoir de Kiev.

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En 2014 : la crise de la Crimée et la guerre du Donbass

L’indépendance de la Crimée à la suite du référendum

Située au sud de l’Ukraine, la péninsule de Crimée, qui couvre 27 000 km2 (un peu plus vaste que la Sicile), abrite la ville de Sébastopol fondée en 1783, après l’annexion de la Crimée par la Russie.

Devenue une importante base navale et un port de commerce florissant, Sébastopol a été directement rattachée en 1948 à la république de Russie. À la chute de l’URSS en 1991, la Crimée devient une entité administrative autonome au sein de l’Ukraine. Surtout, elle se présente alors comme une enclave russe de facto mais sous couvert de jure de l’Ukraine. En fait, le transfert de Sébastopol à l’Ukraine n’a jamais été accepté par la société russe.

Après le changement de pouvoir à Kiev, le 28 février 2014, des milices pro-russes s’emparent des lieux stratégiques de Crimée, tels que les aéroports, et le 11 mars 2014, le parlement de Crimée déclare l’indépendance de la république de Crimée. Cette déclaration est tout de suite condamnée par les pays occidentaux. Le 18 mars, à la suite d’un référendum tenu le 16 mars (96% de voix favorables), le gouvernement russe annonce que la république de Crimée et la ville de Sébastopol deviennent deux nouveaux sujets fédéraux de la fédération de Russie.

La guerre du Donbass et les protocoles de Minsk

C’est à la même époque (7 avril 2014) qu’éclate le conflit du Donbass. Située à l’est de l’Ukraine, à la frontière de la Russie, cette région couvre un vaste bassin minier et industriel englobant les territoires du Donetsk et de Louhansk (quelque 8000 km2 chacun, soit la taille de la Corse). Majoritairement russophones, ces zones abritent des réserves considérables de houille et de nombreuses mines de charbon.

Le conflit armé entre séparatistes prorusses soutenus par Moscou et les forces armées ukrainiennes a fait rapidement des milliers de morts, qui a conduit à la signature des Accords de Minsk. Signé en septembre 2014, le protocole de Minsk I prévoyait, en plus du cessez-le-feu, le retrait des armes lourdes, une réforme constitutionnelle de l’Ukraine (décentralisation des pouvoirs accordant de manière temporaire l’autonomie locale aux régions du Donetsk et de Louhansk).

La non-application de cet accord a entraîné la signature de Minsk II en février 2015, prévoyant en plus du retrait des armements lourds, un retrait des forces armées étrangères ainsi que la mise en œuvre d’une réforme constitutionnelle en Ukraine. Le cessez-le-feu n’ayant pas été respecté, la guerre du Donbass a fait plus de 14 000 morts en huit ans.

Intensification des rapports de l’Ukraine avec l’Occident

Le 21 mars 2014, l’Ukraine signe le volet politique du Partenariat oriental avec l’Union européenne dont le rejet par Ianoukovitch avait déclenché les manifestations. En décembre 2014, le parlement de Kiev renonce au statut de neutralité de l’Ukraine et adopte une loi visant à approfondir la coopération ukrainienne avec l’OTAN « afin d’atteindre les critères requis pour l’adhésion à l’alliance ».

Plusieurs exercices militaires entre l’OTAN et l’Ukraine ont lieu en 2015. En juin 2017, le parlement ukrainien adopte une loi faisant de l’intégration à l’OTAN une priorité de la politique étrangère. Le 7 février 2019, ce parlement vote à une large majorité (334 voix sur 385) la modification de la constitution afin d’aider l’Ukraine à rejoindre l’OTAN et l’Union européenne.

Volodymyr Zelensky est élu à la présidence de l’Ukraine le 21 avril 2019. Le 12 juin 2020, l’Ukraine rejoint le programme d’interopérabilité renforcée des partenaires de l’OTAN. Le 8 octobre 2020, Zelensky déclare que son pays a besoin d’un plan d’action pour l’adhésion à l’OTAN car cette adhésion contribuera à la sécurité et à la défense de l’Ukraine. Le 28 juin 2021, l’Ukraine et les forces navales de OTAN lancent des exercices navals conjoints en mer Noire. La Russie condamne ces exercices.

Regain de tension fin 2021 et invasion de l’Ukraine en février 2022

Fin 2021, la Russie déploie 100 à 150 000 hommes à la frontière avec l’Ukraine. En réaction, 100 000 réservistes et des groupes de civils armés ukrainiens se préparent à une possible invasion. Le 17 décembre 2021, Moscou publie deux projets de traités exigeant la fin de la politique d’élargissement de l’OTAN et son retrait sur les frontières de 1997, c’est-à-dire avant que l’OTAN n’accueille des nations européennes sorties du bloc soviétiques (lors de sa création en 1949, l’OTAN avait réuni 12 pays-membres ; elle en compte 30 aujourd’hui). Ces propositions sont rejetées par les États-Unis.

Fin janvier 2022, les États baltes sont autorisés par les États-Unis à transférer à l’Ukraine des armes américaines dont des missiles antichar Javelin et des obusiers de 122 mm. Le 21 février 2022, la Russie reconnait l’indépendance des républiques autoproclamées du Donetsk et de Louhansk. Surtout, le 24 février, l’armée russe lance une opération militaire de grande ampleur contre l’Ukraine.

Tentatives d’explication des motivations de la Russie

Située à la frontière occidentale de la Russie, l’Ukraine est une zone de sécurité pour la Russie. L’Ukraine représente en effet une profondeur stratégique, les envahisseurs éventuels auraient à parcourir 1600 km pour arriver à Moscou ; en cas d’adhésion à l’OTAN, Moscou ne serait qu’à quelque 650 km.

Par ailleurs, pour beaucoup de Russes, l’Ukraine reste le cœur de ce que fut la Rus’ de Kiev, ce qui en fait un élément central de l’identité russe. Enfin, Poutine semble toujours aspirer à l’instauration d’un État fort, comme au temps de sa jeunesse.

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L’imbroglio ukrainien vu par Henry Kissinger

Lors de la crise de Crimée, Henry Kissinger (né en 1923 en Allemagne, ancien Secrétaire d’Etat américain, Prix Nobel de la paix en 1973) a publié un article dans le Washington Post du 5 mars 2014 dans lequel il a notamment écrit :

« La Russie doit comprendre qu’essayer de satelliser de force l’Ukraine […] condamnerait Moscou à répéter l’histoire et à s’engager dans un cycle autoréalisateur de pressions réciproques avec l’Europe et les USA. L’Ouest doit comprendre que, pour la Russie, l’Ukraine ne sera jamais une quelconque terre étrangère […]. Faire de l’Ukraine un acteur de la confrontation Est-Ouest saborderait pour des décennies toute tentative de rapprocher la Russie et l’Ouest notamment la Russie et l’Europe […]. La sagesse devrait guider la politique des USA en Ukraine vers la recherche d’une coopération entre les deux camps. Nous devrions œuvrer pour la réconciliation, non la domination d’un camp par l’autre […].

Voici la manière dont j’envisage une sortie de crise compatible avec les valeurs et les enjeux de sécurité des protagonistes :

1) L’Ukraine devrait avoir le droit de choisir librement ses partenariats économiques et politiques, y compris avec l’Europe.

2)L’Ukraine ne devrait pas rejoindre l’OTAN, une position que j’ai déjà tenue il y a 7 ans.

3) Des leaders ukrainiens sensés devraient, sur la scène internationale, adopter une position comparable à celle de la Finlande, qui coopère avec l’Ouest dans la plupart des domaines, en évitant toutefois soigneusement toute hostilité institutionnelle envers la Russie […].

Le critère n’est pas la satisfaction complète, mais la frustration équilibrée. Si on ne parvient pas à une solution basée sur ces éléments […], la descente vers la confrontation ne fera que s ‘accélérer. »

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