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Bac français : comparaison de deux poèmes de Villon et Rimbaud

Au sommaire de cet article 👀

Si tu révises actuellement les épreuves anticipées de français qui se dérouleront au mois de juin, nous te proposons dans cet article une comparaison entre deux poèmes phares. Il s’agit pour le premier de la « Ballade des pendus » écrit à la fin du XVe siècle par François Villon, qui a inspiré le second poème à l’étude : le « Bal des pendus » de Rimbaud. Cette comparaison a pour objectif de t’aider à enrichir tes copies et de montrer à ton correcteur que tu as su mettre en perspective deux œuvres affiliées. Bonne lecture !

Les deux poèmes

Tout d’abord, afin que tu puisses suivre de la meilleure façon possible notre analyse, tu trouveras ci-après les textes des deux poèmes, que nous te recommandons de lire.

« Ballade des pendus », Villon (1460)

Frères humains, qui après nous vivez,

N’ayez les coeurs contre nous endurcis,

Car, si pitié de nous pauvres avez,

Dieu en aura plus tôt de vous mercis.

Vous nous voyez ci attachés, cinq, six :

Quant à la chair, que trop avons nourrie,

Elle est piéça dévorée et pourrie,

Et nous, les os, devenons cendre et poudre.

De notre mal personne ne s’en rie ;

Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

 

Se frères vous clamons, pas n’en devez

Avoir dédain, quoique fûmes occis

Par justice. Toutefois, vous savez

Que tous hommes n’ont pas bon sens rassis.

Excusez-nous, puisque sommes transis,

Envers le fils de la Vierge Marie,

Que sa grâce ne soit pour nous tarie,

Nous préservant de l’infernale foudre.

Nous sommes morts, âme ne nous harie,

Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

 

La pluie nous a débués et lavés,

Et le soleil desséchés et noircis.

Pies, corbeaux nous ont les yeux cavés,

Et arraché la barbe et les sourcils.

Jamais nul temps nous ne sommes assis

Puis çà, puis là, comme le vent varie,

A son plaisir sans cesser nous charrie,

Plus becquetés d’oiseaux que dés à coudre.

Ne soyez donc de notre confrérie ;

Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !

Prince Jésus, qui sur tous a maistrie,

Garde qu’Enfer n’ait de nous seigneurie :

A lui n’ayons que faire ne que soudre.

Hommes, ici n’a point de moquerie ;

Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre ! »

 

« Bal des pendus », Rimbaud (1870)

Au gibet noir, manchot aimable,

Dansent, dansent les paladins,

Les maigres paladins du diable,

Les squelettes de Saladins.

 

Messire Belzébuth tire par la cravate

Ses petits pantins noirs grimaçant sur le ciel,

Et, leur claquant au front un revers de savate,

Les fait danser, danser aux sons d’un vieux Noël !

 

Et les pantins choqués enlacent leurs bras grêles :

Comme des orgues noirs, les poitrines à jour

Que serraient autrefois les gentes damoiselles,

Se heurtent longuement dans un hideux amour.

 

Hurrah ! Les gais danseurs qui n’avez plus de panse !

On peut cabrioler, les tréteaux sont si longs !

Hop, qu’on ne cache plus si c’est bataille ou danse !

Belzébuth, enragé, racle ses violons !

 

Ô durs talons, jamais on n’use sa sandale !

Presque tous ont quitté la chemise de peau ;

Le reste est peu gênant et se voit sans scandale.

Sur les crânes la neige applique un blanc chapeau :

 

Le corbeau fait panache à ces têtes fêlées,

Un morceau de chair tremble à leur maigre menton :

On dirait, tournoyant dans les sombres mêlées,

Des preux raides heurtant armures de carton.

 

Hurrah ! La bise siffle au grand bal des squelettes !

Le gibet noir mugit comme un orgue de fer !

Les loups vont répondant, des forêts violettes :

À l’horizon, le ciel est d’un rouge d’enfer…

 

Holà, secouez-moi ces capitans funèbres

Qui défilent, sournois, de leurs gros doigts cassés

Un chapelet d’amour sur leurs pâles vertèbres :

Ce n’est pas un moustier ici, les trépassés !

 

Oh ! voilà qu’au milieu de la danse macabre

Bondit, par le ciel rouge, un grand squelette fou

Emporté par l’élan : tel un cheval se cabre :

Et, se sentant encor la corde raide au cou,

 

Il crispe ses dix doigts sur son fémur qui craque

Avec des cris pareils à des ricanements,

Puis, comme un baladin rentre dans la baraque,

Rebondit dans le bal au chant des ossements.

 

Au gibet noir, manchot aimable,

Dansent, dansent les paladins,

Les maigres paladins du diable,

Les squelettes de Saladins. »

Lire aussi : Cahier de Douai : résumé et analyse de l’œuvre de Rimbaud 

Analyse et comparaison de ces deux textes poétiques

Maintenant que tu as les deux textes à l’esprit, voici quelques éléments qui vont te permettre de les comparer et d’en tirer les informations essentielles.

Un mélange de styles et d’époques

Le poème de Rimbaud a été rédigé dans le cadre scolaire. En effet, ce dernier reprend un devoir de français donné par son jeune professeur Georges Izambard dans lequel il s’agissait d’écrire au nom Charles d’Orléans une lettre au roi Louis XI pour obtenir la grâce du bandit et poète François Villon menacé de la potence (d’être pendu).

Dans cette lettre, Rimbaud prenant la défense des déshérités, mais aussi des poètes. Il y présente Villon et s’en prend aux juges, comparés à des oiseaux noirs pour mettre en évidence l’idée d’une justice cruelle.

Structure et thème du poème de Rimbaud

Composé de neuf quatrains d’alexandrins en symétrie autour du quatrain 5 et de deux quatrains identiques d’octosyllabes qui commencent et achèvent le poème (incipit et clausule), cette structure confère au poème une forme circulaire, comme une boucle.

Le titre annonce le thème : il s’agit d’un bal, d’une fête joyeuse dans laquelle ceux qui défendent une juste cause vont à leur tour danser au bout d’un gibet (se balancer au bout d’une corde).

Si la ballade des pendus de François Villon est une complainte de mourants à l’adresse des bien vivants, le bal des pendus de Rimbaud est un poème qui met en scène la joie sarcastique envers les représentants et défenseurs de l’ordre établi, les palatins. Ces derniers sont ici livrés au diable Belzebuth derrière lequel se cache le poète.

Le plagiat déstructuré d’une ballade médiévale

Le texte rimbaldien confronte sans ambages le lecteur à la volonté adolescente du poète (Rimbaud n’est alors âgé que de 16 ans) de choquer le bon goût bourgeois. Les pendus, les bourgeois, sont en effet trop gros, trop lourds dans leurs armures métalliques de « palatin » et prennent trop d’espace. Le régime qu’ils connaissent en prison leur permet à ce titre d’effectuer des gestes plus harmonieux et légers.

En cela, Rimbaud entend dénoncer le caractère hypocrite, injuste de la société. Pour cela, il s’inspire également d’autres œuvres de la littérature française, en particulier Les Misérables de Victor Hugo, ou Notre-Dame de Paris, en évoquant Quasimodo, retrouvé parmi les pendus du gibet de Montfaucon en plein Paris.

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Qu’est-ce qu’une ballade, au sens poétique ?

La ballade médiévale est un genre à la mode à l’époque de Villon, pratiquée par les troubadours, poètes, chanteurs et musiciens pour faire danser les dames et demoiselles dans leurs châteaux pendant que leurs nobles maris font la guerre.

Structure de la ballade et dépassement par Rimbaud

Ces ballades ont une structure fixe de trois strophes carrées (huitains d’octosyllabes, dizains de décasyllabes, douzains d’alexandrins). Cependant, Rimbaud s’affranchit de ces codes en employant les quatrains et alexandrins qu’il affectionne davantage.

Un pastiche tout à la fois sarcastique, ironique et cynique

Dans la poésie de Villon, les pendus sont des morts qui s’adressent aux vivants. Dans la version rimbaldienne, les pendus sont bien vivants, ils enlacent leurs corps qui se dégradent avec leurs bras. De plus, le ciel assimilé au paradis est en feu, il n’y a plus de salut. Tous ces notables bien pensants, ces bourgeois, représentés ici par les paladins se sont que des gens sournois, qui à force de s’accrocher à leurs avantages ont les doigts crochés (cassés).

Une poésie romantique

Rimbaud, en tant qu’adolescent contestataire, en pleine révolte, n’hésite pas à dénoncer dans ses premiers poèmes la misère et le malheur du monde, à l’instar de Victor Hugo. Si Hugo accumule les blasphèmes contre son ennemi de toujours, Napoléon III, Rimbaud s’en prend à la religion hypocrite de son enfance, à la bigoterie.

Rimbaud est déjà bien romantique, il refuse les thèmes classiques de l’homme de raison, de la société organisée, de l’esprit des lois. En cela, son style peut être qualifié de lyrique en ce qu’il fait parler son cœur, se révolte et s’indigne, se révolte.

Conclusion

En définitive, ce poème est d’abord un spectacle plein de couleurs, d’images et de contrastes, le tout empreint d’humour noir et d’ironie au milieu de la mort.

Dans cette ambiance macabre et provocatrice, Rimbaud participe à l’élaboration d’une véritable poétique personnelle. A l’image des personnages dont il dresse le portrait, le poète est aussi une âme damnée, vivant une expérience festive, extrême, aux confins de la folie et de la mort.

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