“En attendant Godot”, Samuel Beckett – Scène d’exposition -Commentaire linéaire

À lire dans cet article :

La scène d’exposition de En attendant Godot de Samuel Beckett est un texte emblématique du théâtre de l’absurde. En effet, le théâtre de l’absurde peut s’avérer compliqué à comprendre, mais pas de panique ! La scène d’exposition d’En attendant Godot n’aura plus de secrets pour toi après la lecture de ce commentaire !

Avant de commencer le commentaire d’ “En attendant Godot”

Tout d’abord, il est important de rappeler : 

  • quelques caractéristiques majeures de la pièce de Beckett
  • l’importance d’une scène d’exposition, qui permet d’introduire et de poser les jalons d’une pièce 

De plus, Concernant les caractéristiques de la pièce En attendant Godot, on peut faire référence au contexte, et essayer d’employer le maximum de mots-clés attendus pour décrire l’extrait étudié. 

Ensuite, il est absolument primordial de se référer au contexte de l’oeuvre qui nous éclaire souvent sur la façon de penser de l’auteur, qui s’ancre dans un temps particulier.

Contexte : la pièce est écrite au lendemain de la Seconde guerre mondiale, qui a ébranlé les certitudes. En effet, la période correspond à une perte de repères et à l’émergence de l’absurde en littérature et au théâtre (ex : Ionesco).  

L’auteur, Samuel Beckett, ancien résistant né dans une famille irlandaise protestante, est une figure de proue de la modernité théâtrale

Description rapide de l’extrait étudié : une scène d’exposition in medias res de la pièce “En attendant Godot” qui se déroule dans un décor dépouillé et révèle plusieurs des grands thèmes et des rouages de la pièce : l’absurde, les thèmes de l’errance et de la solitude.

Analyse linéaire d’ En attendant Godot pour arriver au commentaire

Avant de commenter quoique ce soit, on doit toujours lire attentivement le texte d’En attendant Godot deux à trois fois avant d’en faire un commentaire.

Route à la campagne, avec arbre.

Soir.

Estragon, assis sur une pierre, essaie d’enlever sa chaussure. Il s’y acharne des deux mains, en ahanant. Il s’arrête, à bout de forces, se repose en haletant, recommence. Même jeu.

Entre Vladimir.

On peut commencer par commenter ces indications de mise en scène. 

Concernant l’ancrage spatio-temporel du récit : 

  • le décor (route, arbre, pierre) est neutre et extrêmement dépouillé : une possible référence au monde post-seconde guerre mondiale, qui a perdu tout son sens? 
  • le substantif ” soir ” évoque la fin de la journée : la fin d’un monde après le traumatisme de la guerre? On note qu’alors que la pièce a à peine commencé, la nuit est déjà imminente. On peut s’interroger sur ce choix : l’annonce à une fin tragique pour la pièce? une référence au contexte, à l’obscurité et au désespoir? 

Concernant les personnages et l’action : 

  • le nom du personnage ” Estragon ” (le nom d’une herbe aromatique) renvoie à l’absurde et au comique. Le verbe ” recommencer ” et le groupe nominal “ même jeu ” introduisent un comique de répétition : à plusieurs reprises, Estragon échoue à retirer sa chaussures. 

L’absurde est présent également dans le caractère vainc du combat d’Estragon qui redouble d’efforts pour simplement ” enlever sa chaussure “. D’ailleurs, dès le début la pièce, est marquée par l’échec, le renoncement et la vacuité des efforts : Estragon ne parvient pas à atteindre son but. 

De plus, les personnages dans la pièce En attendant Godot ne sont pas décrits physiquement, ce qui crée un effet d’attente pour le lecteur.

ESTRAGON (renonçant à nouveau) : Rien à faire.

VLADIMIR (s’approchant à petits pas raides, les jambes écartées) : Je commence à le croire. (Il s’immobilise.) J’ai longtemps résisté à cette pensée, en me disant, Vladimir, sois raisonnable. Tu n’as pas encore tout essayé. Et je reprenais le combat. 

(Il se recueille, songeant au combat. A Estragon.) Alors, te revoilà, toi.

La première réplique d’Estragon ainsi que la didascalie renvoie de nouveau à la vanité de l’effort et à l’incapacité de parvenir à son but. 

La didascalie qui précise le comportement de Vladimir est éloquente : elle introduit un personnage comique, maladroit. En effet, Ce personnage n’est défini pour l’instant que par son comportement ridicule. 

La didascalie ” À Estragon “ indique que la première partie de la réplique de Vladimir s’apparente au monologue : le personnage se parle à lui-même. Il semble y avoir quiproquo : Vladimir pense que le ” rien à faire ” d’Estragon renvoie à ses combat, alors qu’Estragon pense sûrement simplement à sa chaussure. 

L’usage de l’imparfait (” je reprenais le combat “) et du passé simple (” j’ai longtemps résisté “) et l’emploi de l’adverbe ” revoilà ” renvoie à des événements antérieurs à l’action, ce qui renforce l’absurde de la pièce. 

Le fait d’employer le pronom personnel ” toi ” pour désigner Estragon a un caractère péjoratif

La relation qui lie les deux personnages restent mystérieuses. 

ESTRAGON : Tu crois ?

VLADIMIR : Je suis content de te revoir. Je te croyais parti pour toujours.

ESTRAGON : Moi aussi.

On peut ici noter la présence de l’absurde

  • dans les répliques d’Estragon
  • dans le comportement de Vladimir, content de revoir Estragon alors même qu’il ne semblait pas ravi de son retour 

Le terme ” revoir ” fait référence à un temps cyclique, une répétition vide de sens. 

VLADIMIR : Que faire pour fêter cette réunion ? (Il réfléchit.) Lève-toi que je t’embrasse. (Il tend la main à Estragon.)

ESTRAGON (avec irritation) : Tout à l’heure, tout à l’heure.

Silence. 

VLADIMIR (froissé, froidement) : Peut-on savoir où monsieur a passé la nuit ?

ESTRAGON : Dans un fossé.

VLADIMIR (épaté) : Un fossé ! Où ça ?

ESTRAGON (sans geste) : Par là.

VLADIMIR : Et on ne t’a pas battu ?

ESTRAGON : Si… Pas trop.

VLADIMIR : Toujours les mêmes ?

ESTRAGON : Les mêmes ? Je ne sais pas.

Silence. 

On peut commenter ce premier réel dialogue entre les personnages en relevant plusieurs éléments significatifs : 

  • la brièveté des répliques (qui sont souvent des phrases nominales
  • la référence implicite à un événement dont le lecteur n’a pas connaissance (” les mêmes “) 
  • le comportement peu rationnel et enfantin des personnages (Estragon ” irrité “, Vladimir ” épaté ” parce qu’Estragon a passé la nuit dans un fossé) 
  • le ” on ” inclusif qui pourrait désigner également le lecteur et le spectateur 
  • la didascalie ” sans geste ” renvoie à l’impossibilité de l’action : les personnages sont comme des pantins

Les personnages de la pièce En attendant Godot semblent des anti-héros, vagabonds peu soignés aux antipodes des héros du théâtre classique ou romantique. 

VLADIMIR : Quand j’y pense… depuis le temps… je me demande… ce que tu serais devenu… sans moi… (Avec décision) Tu ne serais plus qu’un petit tas d’ossements à l’heure qu’il est, pas d’erreur.

ESTRAGON (piqué au vif) : Et après ?

VLADIMIR (accablé) : C’est trop pour un seul homme. (Un temps. Avec vivacité.) D’un autre côté, à quoi bon se décourager à présent, voilà ce que je me dis. Il fallait y penser il y a une éternité, vers 1900.

ESTRAGON : Assez. Aide-moi à enlever cette saloperie.

VLADIMIR : La main dans la main on se serait jeté en bas de la tour Eiffel, parmi les premiers. On portait beau alors. Maintenant il est trop tard. On ne nous laisserait même pas monter. (Estragon s’acharne sur sa chaussure.) Qu’est-ce que tu fais ?

Cette succession de répliques est marquée par : 

  • le non-sens des répliques (les pronoms personnels comme ” y ” ne renvoient pas à un sujet défini), la syntaxe et la ponctuation (” … “) produisent des phrases fragmentées et peu cohérentes 
  • la versatilité du comportement des personnages, indiquée par les didascalies (Vladimir est ” accablé ” puis réagit soudain ” avec vivacité “) 
  • l’absence de dialogue (l’impératif ” aide-moi à enlevé cette saloperie ” montre qu’Estragon est préoccupé par uniquement sa chaussure et reste indifférent aux dires de Vladimir) 
  • l’emploi d’un vocabulaire familier (” pas d’erreur “, ” cette saloperie “) 
  • la thématique du regret avec l’emploi des temps du passé et les adverbes et compléments circonstanciels de temps (” alors “, ” maintenant “, ” trop tard “) 
  • l’imparfait ” on portait beau alors ” renvoie à un passé glorieux mais révolu qui contraste avec la misère actuelle 

ESTRAGON : Je me déchausse. Ça ne t’est jamais arrivé, à toi ?

VLADIMIR : Depuis le temps que je te dis qu’il faut les enlever tous les jours. Tu ferais mieux de m’écouter.

ESTRAGON (faiblement) : Aide-moi !

VLADIMIR : Tu as mal ?

ESTRAGON : Mal ! Il me demande si j’ai mal !

VLADIMIR (avec emportement) : Il n’y a jamais que toi qui souffres ! Moi je ne compte pas. Je voudrais pourtant te voir à ma place. Tu m’en dirais des nouvelles.

ESTRAGON : Tu as eu mal ?

VLADIMIR : Mal ! Il me demande si j’ai eu mal !

C’est la première fois que les personnages semblent se parler réellement. 

Néanmoins, le côté absurde est toujours présent. 

On notera : 

  • le ton ironique et moqueur dans la phrase interrogative d’Estragon ” ça ne t’est jamais arrivé, à toi? ” 
  • l’effet comique causé par la l’anaphore ” tu as eu mal “, de la bouche de deux personnages différents  
  • la futilité des personnages (les phrases interrogatives ” tu as mal? “, les didascalies qui indiquent l’emportement, les répliques qui révèlent le désir de reconnaissance ” moi je ne compte pas “) 

ESTRAGON (pointant l’index) : Ce n’est pas une raison pour ne pas te boutonner.

VLADIMIR (se penchant) : C’est vrai. (Il se boutonne.) Pas de laisser-aller dans les petites choses.

ESTRAGON : Qu’est-ce que tu veux que je te dise, tu attends toujours le dernier moment.

VLADIMIR (rêveusement) : Le dernier moment… (Il médite) C’est long, mais ce sera bon. Qui disait ça ?

ESTRAGON : Tu ne veux pas m’aider ?

Plusieurs éléments à noter : 

  • le caractère dérisoire des sujets évoqué (” se boutonner “) : c’est seulement lorsqu’il s’agit de futilités que les personnages tombent d’accord 
  • les didascalies (” il médite ” et l’adverbe de manière ” rêveusement “) indiquent l’absence de communication entre les deux protagonistes et l’incapacité de la parole à remplir son rôle 
  • ” tu attends toujours le dernier moment ” : référence à la mort et à la vacuité de l’existence 

VLADIMIR : Des fois je me dis que ça vient quand même. Alors je me sens tout drôle. (Il ôte son chapeau, regarde dedans, y promène sa main, le secoue, le remet.) Comment dire ? Soulagé et en même temps… (il cherche) …épouvanté. (Avec emphase.) E-POU-VAN-TE. (Il ôte à nouveau son chapeau, regarde dedans.) Ça alors ! (Il tape dessus comme pour en faire tomber quelque chose, regarde à nouveau dedans, le remet.) Enfin… (Estragon, au prix d’un suprême effort, parvient à enlever sa chaussure. Il regarde dedans, y promène sa main, la retourne, la secoue, cherche par terre s’il n’en est pas tombé quelque chose, ne trouve rien, passe sa main à nouveau dans sa chaussure, les yeux vagues.) Alors ?

ESTRAGON : Rien

VLADIMIR : Fais voir.

ESTRAGON : Il n’y a rien à voir. 

La scène d’exposition de la pièce En attendant Godot continue dans une veine étrange et absurde

  • pronom indéfini ” ça ” qui ne fait référence à aucun élément connu 
  • côté burlesque de l’action et comique de répétition 
  • la thématique de l’absence et du vide et le ” il n’y a rien à voir ” qui pourrait faire référence à la pièce en elle-même et à l’absence d’action

Problématique et plan : quelques pistes pour bien réussir le commentaire cet extrait de En attendant Godot

I – Un cadre spatio-temporel vague 

  • Un décor dépouillé et familier (“Route à la campagne, avec arbre” / “assis sur une pierre”)
  • Un passé glorieux mais révolu et une action cyclique (“Alors, te revoilà toi!”, “On portait beau alors.”, “toujours les mêmes?”)

II – Des anti-héros au comportement absurde 

  • Des personnages clownesque au comportement burlesque et pathétique (“les jambes écartées”, “je te croyais parti pour toujours / Moi aussi”. / Ce n’est pas une raison pour ne pas te boutonner”)
  • L’impossibilité de la communication (“il fallait y penser il y a une éternité / Assez. Aide-moi à enlever cette saloperie” / “Rien à faire. / Je commence à le croire.”)

III – Une absence d’action révélatrice de la vacuité de l’existence 

  • La futilité et l’incohérence des dialogues (“ce n’est pas une raison pour ne pas te boutonner” / peut-on savoir où Monsieur a passé la nuit?” / “toujours les mêmes?”)
  • Un effort vain (“il s’arrête, à bout de force”, “il fallait y penser il y a une éternité / “même jeu”)

À noter pour ce commentaire : 

  • tenter d’employer le maximum de vocabulaire relatif au théâtre
  • essayer d’employer des mots-clés dans les titres (vacuité, burlesque, pathétique…) 

En guise de conclusion et d’ouverture

Les éléments centraux à souligner dans cet extrait de En attendant Godot pour réussir son commentaire : 

  • l’absurdité 
  • des questionnements métaphysiques sur la mort, la vacuité de l’existence, la nostalgie et l’incapacité à communiquer 
  • l’absence d’action et de héros : un théâtre absurde aux antipodes du théâtre classique 

Une suggestion d’ouverture : l’incipit de Rhinocéros d’Eugène Ionesco, un des précurseurs du théâtre absurde. Dès lors, on retrouve l’absence d’action, le réalisme des décors et l’absurdité des dialogues. En effet, c’est un moyen de s’interroger sur les moyens qu’ont les auteurs d’instaurer un cadre absurde dès les premières lignes. 

N’hésite pas à analyser la scène d’exposition de “En attendant Godot” par vous-mêmes avant de relire ce commentaire. Imprégnez-vous de la méthode et des attentes des correcteurs, cela vous aidera beaucoup le jour de l’épreuve !

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