Dom Juan Don Juan

Dom Juan, Molière : commentaire détaillé de l’acte 1 scène 3

À lire dans cet article :

Que ce soit au collège ou au lycée, tu n’es sans doute pas passé(e) à côté de Dom Juan, œuvre emblématique de Molière. Dans cet article, nous revenons avec toi sur la scène 3 de l’acte 1 de la pièce et te proposons un commentaire détaillé de cet extrait. De quoi enrichir tes copies de français et ta culture générale par la même occasion. 

Les personnages dans Dom Juan

Petit tour d’horizon des personnages dans Dom Juan de Molière : 

  • Dom Juan : le protagoniste de la pièce
  • Sganarelle : le valet de Dom Juan
  • Done Elvire : la femme de Dom Juan
  • Dom Carlos et Dom Alonse : les frères d’Elvire 
  • Dom Louis : le père de Dom Juan
  • Charlotte et Mathurine : deux paysannes séduites par Dom Juan
  • Pierrot : le fiancé avec Charlotte
  • Gusman : l’écuyer de Done Elvire
  • Francisque : un mendiant
  • Monsieur Dimanche : un marchand qui a prêté de l’argent à Dom Juan
  • La Violette et Ragotin : des laquais de Dom Juan
  • La Ramée : un spadassin (homme qui se bat à l’épée)
  • La Statue du Commandeur

Le résumé de Dom Juan 

Avant de commencer le commentaire de cet extrait de Dom Juan, un petit résumé de l’œuvre s’impose. 

Dom Juan est une pièce de théâtre en cinq actes écrite par Molière en 1665. Elle raconte l’histoire de Dom Juan, un noble libertin qui multiplie les conquêtes amoureuses et qui se moque de tout, y compris de la religion. Il est accompagné de son fidèle valet, Sganarelle, qui essaie de le raisonner, mais en vain.

La pièce débute avec Dom Juan fuyant la ville de Naples après avoir séduit et abandonné la jeune noble Done Elvire, qui le poursuit pour obtenir réparation. Dom Juan rencontre alors Charlotte et Mathurine, deux jeunes paysannes, qu’il promet d’épouser, tout en sachant qu’il ne tiendra pas sa promesse.

Pendant ce temps, Sganarelle se plaint de son maître et de sa vie dissolue. Dom Juan rencontre ensuite une pauvre paysanne, Pierrotte, qu’il séduit en se faisant passer pour son mari. Il se moque ensuite des paysans qu’il a trompés, ce qui provoque leur colère.

Plus tard, Dom Juan et Sganarelle rencontrent un mendiant, qui se révèle être le Commandeur, le père d’Elvire. Dom Juan refuse de se repentir de ses péchés, même face à la mort. Le Commandeur revient alors d’entre les morts pour demander réparation. Dom Juan l’invite alors à dîner et refuse de se repentir une fois de plus. Le Commandeur emmène alors Dom Juan en enfer.

La pièce se termine par Sganarelle qui prononce un monologue moralisateur sur les dangers de la vie dissolue.

Dom Juan, Molière : acte 1, scène 3

DONE ELVIRE, DOM JUAN, SGANARELLE.

DONE ELVIRE.- Me ferez-vous la grâce, Dom Juan, de vouloir bien me reconnaître, et puis-je au moins espérer que vous daigniez tourner le visage de ce côté ?

DOM JUAN.- Madame, je vous avoue que je suis surpris, et que je ne vous attendais pas ici.

DONE ELVIRE.- Oui, je vois bien que vous ne m’y attendiez pas, et vous êtes surpris à la vérité, mais tout autrement que je ne l’espérais, et la manière dont vous le paraissez, me persuade pleinement ce que je refusais de croire. J’admire ma simplicité, et la faiblesse de mon cœur, à douter d’une trahison, que tant d’apparences me confirmaient. J’ai été assez bonne, je le confesse, ou plutôt assez sotte, pour me vouloir tromper moi-même, et travailler à démentir mes yeux, et mon jugement. J’ai cherché des raisons, pour excuser à ma tendresse , le relâchement d’amitié qu’elle voyait en vous ; et je me suis forgé exprès cent sujets légitimes d’un départ si précipité, pour vous justifier du crime, dont ma raison vous accusait. Mes justes soupçons chaque jour avaient beau me parler, j’en rejetais la voix, qui vous rendait criminel à mes yeux, et j’écoutais avec plaisir mille chimères ridicules, qui vous peignaient innocent à mon cœur ; mais enfin, cet abord ne me permet plus de douter, et le coup d’œil qui m’a reçue, m’apprend bien plus de choses, que je ne voudrais en savoir. Je serai bien aise pourtant d’ouïr de votre bouche les raisons de votre départ. Parlez, Dom Juan, je vous prie ; et voyons de quel air vous saurez vous justifier.

DOM JUAN.- Madame, voilà Sganarelle, qui sait pourquoi je suis parti.

SGANARELLE.- Moi, Monsieur, je n’en sais rien, s’il vous plaît.

DONE ELVIRE.- Hé bien, Sganarelle, parlez, il n’importe de quelle bouche j’entende ces raisons.

DOM JUAN, faisant signe d’approcher à Sganarelle.- Allons, parle donc à Madame.

SGANARELLE.- Que voulez-vous que je dise ?

DONE ELVIRE.- Approchez, puisqu’on le veut ainsi, et me dites un peu les causes d’un départ si prompt.

DOM JUAN.- Tu ne répondras pas ?

SGANARELLE.- Je n’ai rien à répondre, vous vous moquez de votre serviteur.

DOM JUAN.- Veux-tu répondre, te dis-je ?

SGANARELLE.- Madame…

DONE ELVIRE.- Quoi ?

SGANARELLE, se retournant vers son maître.- Monsieur…

DOM JUANSi…

SGANARELLE.- Madame, les conquérants, Alexandre, et les autres mondes sont causes de notre départ ; voilà, Monsieur, tout ce que je puis dire.

DONE ELVIRE.- Vous plaît-il, Dom Juan, nous éclaircir ces beaux mystères ?

DOM JUAN.- Madame, à vous dire la vérité…

DONE ELVIRE.- Ah, que vous savez mal vous défendre pour un homme de cour, et qui doit être accoutumé à ces sortes de choses ! (…)

DOM JUAN.- Je vous avoue, Madame, que je n’ai point le talent de dissimuler, et que je porte un cœur sincère. Je ne vous dirai point que je suis toujours dans les mêmes sentiments pour vous, et que je brûle de vous rejoindre, puisque enfin il est assuré que je ne suis parti que pour vous fuir ; non point par les raisons que vous pouvez vous figurer, mais par un pur motif de conscience, et pour ne croire pas qu’avec vous davantage je puisse vivre sans péché. (…)

DONE ELVIRE.- Ah ! scélérat, c’est maintenant que je te connais tout entier, et pour mon malheur, je te connais lorsqu’il n’en est plus temps, et qu’une telle connaissance ne peut plus me servir qu’à me désespérer ; mais sache que ton crime ne demeurera pas impuni ; et que le même Ciel dont tu te joues, me saura venger de ta perfidie.

(…)

SGANARELLE.- Si le remords le pouvait prendre.

DOM JUAN, après une petite réflexion.- Allons songer à l’exécution de notre entreprise amoureuse.

SGANARELLE.- Ah, quel abominable maître me vois-je obligé de servir !

Dom Juan, Molière : commentaire détaillé

Introduction

Dans l’introduction, le correcteur doit trouver les premières observations générales sur le texte selon l’ordre suivant :

  1. Le titre et la date de publication de l’œuvre dont est extrait le texte, sa nature (à quel moment de la pièce est-il situé ? Quels sont les personnages présents ?) ;
  2. Le thème, le type de narrateur, le registre, les outils majeurs de l’argumentation ;
  3. La structure du texte, le plan et la problématique.

N’oublie pas de citer les lignes et d’être précis dans tes relevés et dans le choix du vocabulaire.

Il s’agit d’un extrait d’une pièce de théâtre de Molière, intitulée Dom Juan (1665). C’est un extrait de dialogue. Il traite des relations amoureuses de Dom Juan, un personnage topique de la littérature créé par Tirso de Molina en 1630. Molière reprend et se ré-approprie cette référence dans son œuvre. Le ton est à la fois tragique et léger. Le texte est divisé en trois parties : l’intervention surprise de Done Elvire, la tentative de justification du départ de Dom Juan par Sganarelle puis la justification problématique de Dom Juan lui-même. Nous étudierons tout d’abord les personnages principaux du texte, puis la reprise de la figure topique de Don Juan par Molière. Dans quelle mesure ce passage présente des personnages de théâtre topiques en leur donnant plus de profondeur ?

Première partie du commentaire de Dom Juan : les personnages principaux

I.1. Dom Juan

Dom Juan est un seigneur aux mœurs légères qui séduit de nombreuses femmes. Il a notamment réussi à séduire et épouser Elvire. Il voyage beaucoup pour trouver de nouvelles conquêtes. C’est ce qu’il était parti faire lorsqu’il avait quitté Elvire sans un mot. Le texte révèle ainsi sa nature de séducteur invétéré, de beau-parleur et de menteur sans vergogne : “DOM JUAN, après une petite réflexion.- Allons songer à l’exécution de notre entreprise amoureuse.” (l 52-53) “DONE ELVIRE.- Je serai bien aise pourtant d’ouïr de votre bouche les raisons de votre départ. Parlez, Dom Juan, je vous prie ; et voyons de quel air vous saurez vous justifier./ DOM JUAN.- Madame, voilà Sganarelle, qui sait pourquoi je suis parti. / SGANARELLE.- Moi, Monsieur, je n’en sais rien, s’il vous plaît. (…) DOM JUAN.- Tu ne répondras pas ? / SGANARELLE.- Je n’ai rien à répondre, vous vous moquez de votre serviteur. / DOM JUAN.- Veux-tu répondre, te dis-je ? / SGANARELLE.- Madame… / DONE ELVIRE.- Quoi ? / SGANARELLE, se retournant vers son maître.- Monsieur… / DOM JUAN- Si… / SGANARELLE.- Madame, les conquérants, Alexandre, et les autres mondes sont causes de notre départ ; voilà, Monsieur, tout ce que je puis dire.” (l 17-36), “DOM JUAN.- Je vous avoue, Madame, que je n’ai point le talent de dissimuler, et que je porte un cœur sincère. Je ne vous dirai point que je suis toujours dans les mêmes sentiments pour vous, et que je brûle de vous rejoindre, puisque enfin il est assuré que je ne suis parti que pour vous fuir ; non point par les raisons que vous pouvez vous figurer, mais par un pur motif de conscience, et pour ne croire pas qu’avec vous davantage je puisse vivre sans péché.” (l 41-46) et “SGANARELLE.- Si le remords le pouvait prendre.” (l 51). Peu lui importe d’avoir brisé le coeur de Done Elvire, Dom Juan est un coureur de jupon sans remords qui ne cesse de mentir aux femmes et d’utiliser son valet.

I.2. Sganarelle 

Sganarelle est le valet de Dom Juan. Il doit l’aider dans ses entreprises amoureuses, dans ses tromperies et ses voyages. On le voit nettement dans ce passage car lorsque Done Elvire s’adresse à Dom Juan celui-ci demande à Sganarelle de répondre à la dame et de justifier le départ de son maître : “DOM JUAN.- Madame, voilà Sganarelle, qui sait pourquoi je suis parti. / SGANARELLE.- Moi, Monsieur, je n’en sais rien, s’il vous plaît. / DONE ELVIRE.- Hé bien, Sganarelle, parlez, il n’importe de quelle bouche j’entende ces raisons. / DOM JUAN, faisant signe d’approcher à Sganarelle.- Allons, parle donc à Madame. / DOM JUAN.- Tu ne répondras pas ? / SGANARELLE.- Je n’ai rien à répondre, vous vous moquez de votre serviteur. / (…) / DOM JUAN.- Veux-tu répondre, te dis-je ? / SGANARELLE.- Madame… / DONE ELVIRE.- Quoi ? / SGANARELLE, se retournant vers son maître.- Monsieur… / DOM JUAN.- Si… / SGANARELLE.- Madame, les conquérants, Alexandre, et les autres mondes sont causes de notre départ ; voilà, Monsieur, tout ce que je puis dire.” (l 20-36). De plus, c’est un être qui désapprouve l’attitude de son maître : “SGANARELLE.- Si le remords le pouvait prendre.” (l 51). Sganarelle est un valet qui doit sans cesse réparer les frasques de son maître et tenter de le conseiller au mieux.

I.3. Done Elvire 

Enfin, Done Elvire est la dernière femme de Dom Juan, il l’a abandonnée avant de partir en voyage, sûrement pour enrichir le nombre de ses conquêtes. Dans ce passage, elle apparaît en colère et très malheureuse : “DONE ELVIRE.- Me ferez-vous la grâce, Dom Juan, de vouloir bien me reconnaître, et puis-je au moins espérer que vous daigniez tourner le visage de ce côté ?” (l 1-2), “DONE ELVIRE.- (…) J’admire ma simplicité, et la faiblesse de mon cœur, à douter d’une trahison, que tant d’apparences me confirmaient. J’ai été assez bonne, je le confesse, ou plutôt assez sotte, pour me vouloir tromper moi-même, et travailler à démentir mes yeux, et mon jugement. J’ai cherché des raisons, pour excuser à ma tendresse , le relâchement d’amitié qu’elle voyait en vous ; et je me suis forgé exprès cent sujets légitimes d’un départ si précipité, pour vous justifier du crime, dont ma raison vous accusait. Mes justes soupçons chaque jour avaient beau me parler, j’en rejetais la voix, qui vous rendait criminel à mes yeux, et j’écoutais avec plaisir mille chimères ridicules, qui vous peignaient innocent à mon cœur ; mais enfin, cet abord ne me permet plus de douter, et le coup d’œil qui m’a reçue, m’apprend bien plus de choses, que je ne voudrais en savoir.” (l 7-17), “DONE ELVIRE.- Ah ! scélérat, c’est maintenant que je te connais tout entier, et pour mon malheur, je te connais lorsqu’il n’en est plus temps, et qu’une telle connaissance ne peut plus me servir qu’à me désespérer ; mais sache que ton crime ne demeurera pas impuni ; et que le même Ciel dont tu te joues, me saura venger de ta perfidie.” (l 47-50). C’est une femme attristée par le départ de son mari et blessée par ses nombreuses trahisons qui cherche à connaître la vérité.

La reprise de la figure topique du don juan

II.1. Les relations amoureuses 

Un des éléments centraux de la figure topique du don Juan est le grand nombre de ses relations amoureuses. C’est une chose bien présente ici : Done Elvire a été et est toujours amoureuse de Dom Juan (bien qu’elle soit en colère contre lui), ils ont eu une relation amoureuse intense puisqu’elle est sa dernière épouse (il est allé la chercher dans un couvent et ils se sont mariés) et raconte leur histoire dans sa première longue réplique. Et il envisage une nouvelle “entreprise amoureuse”. Les relations amoureuses sont donc le fond omniprésent du contenu de cet extrait.

II.2. La dispute amoureuse 

Les nombreuses exclamations, les interrogations, les insultes (“scélérat !” par exemple) et le ton plutôt hargneux et belliqueux de Done Elvire montrent qu’il s’agit d’une dispute amoureuse. Ce type de dispute est omniprésent dans l’œuvre qui a introduit ce topique (Don Juan, Tirso de Molina) ainsi que dans le jeu scénique du personnage du Don Juan. Lorsque ses conquêtes découvrent qu’elles ont été trompées et bafouées, Don Juan a ce genre de discussions avec elles. Mais le ton belliqueux n’est pas ce qui donne de l’originalité aux disputes amoureuses entre Don Juan et ses conquêtes, c’est plutôt l’intervention de son valet pour l’aider et le sortir de ces situations embarrassantes. Dans chaque moment de dispute de ce type, le valet est là pour sortir son patron du pétrin dans lequel il s’est mis. Et cet élément est tout à fait présent dans cet extrait, comme nous avons pu le voir sur les parties dédiées aux deux personnages en question. La dispute amoureuse du don Juan est bien reprise ici.

II.3. L’association du comique et du tragique 

Une autre des caractéristiques du Don Juan de Tirso de Molina est l’association du comique et du tragique au sein même de l’œuvre. La gravité (exemple : la condamnation à mort de Don Juan Tenorio à la fin de l’œuvre, ou le meurtre du père de Doña Elvira) côtoie des moments plus légers (le moment où il séduit une jeune femme sur un bâteau de pêche par exemple). De même que le tragique côtoie le comique dans cet extrait de la pièce de Molière : le tragique est symbolisé par la grande émotion d’Elvire, par sa colère ; tandis que le comique apparaît dans l’attitude détachée de Dom Juan et dans le trouble de Sganarelle au moment de justifier le départ de son maître. Leur relation, entre défiance et rapports de force assumés, a un caractère comique. Ils gèrent une situation plutôt dramatique avec des moyens légers, ce qui donne un caractère tragicomique à la scène.

Conclusion

Conseil méthodologique : synthétiser les grandes idées du commentaire de manière chronologique.

Dans le cas présent, revenir tout d’abord sur les figures centrales de ce passage, car il est indispensable de comprendre les relations qui les unissent pour saisir l’enjeu du passage. Ensuite, étudier comment Molière reprend le topique du Dom Juan dans ce passage. Vous savez à présent quels sont les éléments à mettre en avant et à utiliser pour votre commentaire linéaire sur cette oeuvre fameuse de Molière, il ne reste plus qu’à vous entraîner et à imaginer votre plan !

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